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seul. Que si Dieu n’est pas la matière, puisque cela est compris dans sa dénomination, comment les différentes parties de la matière, c’est-à-dire les éléments, seront-ils des dieux, puisque les membres ne peuvent différer d’avec le corps ?

Mais qu’ai-je à démêler avec les arguments des philosophes ? Il aurait fallu qu’ils remontent à la création du monde, au lieu de se plonger dans toutes les incertitudes. Je ne sais quel rêveur a imaginé, peut-être d’après Platon, que le monde, carré d’abord, avait reçu ensuite la forme circulaire, sans tête comme sans issue. Épicure, après avoir dit : « Ce qui est au-dessus de nos têtes n’a rien de commun avec nous, » s’avisant un jour de regarder le ciel, y aperçut le soleil, auquel il donna un pied de diamètre. Avouons-le ! la modération était encore dans les cieux. Mais, à mesure que le luxe s’accrut, le soleil profita de ses progrès pour grandir aussi. Les Péripatéticiens voulurent bien reconnaître qu’il était plus grand qu’on ne le disait. Mais, je vous le demande, quelle sagesse trouvez-vous au fond de ces conjectures sans fin ? Que prouvent cette affectation de gravité, ces affirmations oiseuses, et tous ces riens que recouvre la pompe du langage ? C’est donc à bon droit que Thalès de Milet mérita de tomber dans un puits, en se promenant des yeux dans l’immensité du ciel, et d’apprêter à rire à cet Égyptien qui lui dit : « Tu ne vois pas ce qui se passe à tes pieds, et tu veux savoir ce qui se passe là-haut. » Thalès au fond de son puits est le symbole de ces hommes qu’une vaine curiosité pousse à étudier la nature, sans s’occuper de celui qui l’a créée et qui la gouverne : ils s’agitent dans le vide.

V. J’arrive maintenant à une opinion plus raisonnable, et qui semble avoir son origine dans les lumières naturelles et dans la simplicité de la bonne foi. Varron lui-même ne l’a point oubliée, quand il ajoute que l’on a regardé les éléments comme des dieux, parce que sans leur concours rien ne peut s’engendrer, se nourrir et s’accroître