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Disons-le toutefois, chacun de vous est innocent de ce crime. Le péril qu’entraîne avec soi le parjure a disparu, depuis que vous avez trouvé plus- religieux de jurer par César : ce qui est encore un outrage à l’égard de vos dieux, puisque les parjures envers César seraient punis plus facilement qu’envers tous les Jupiters du monde. Toutefois le mépris a quelque chose d’honorable et qui flatte l’orgueil : il provient souvent de la confiance ou de la sécurité de la conscience, quelquefois d’une élévation naturelle de l’âme. Mais la dérision, plus elle se permet, plus elle est blessante. Reconnaissez donc avec quelle dérision vous vous jouez de vos dieux. Je ne parle pas de vos sacrifices où vous n’offrez que des victimes de rebut, à demi mortes et rongées d’ulcères. S’il s’en trouve de meilleures et d’intactes, vous avez grand soin de ne laisser que la tête, les cornes, les soies et les plumes, toutes les parties enfin qu’on ne saurait manger et dont vous n’auriez rien fait à la maison. Laissons de côté cette honteuse et sacrilège gourmandise pour remonter presque jusqu’à la religion de vos ancêtres.

Les hommes les plus éclairés et les plus graves, puisque la gravité comme les lumières s’accroissent par la doctrine, se sont toujours montrés irrévérencieux envers vos divinités. Votre littérature ne leur cède en rien. Que d’infamies ! que de fables ridicules ! que de calomnies sur les dieux on y rencontre ! A commencer par votre Homère, cette source abondante de laquelle est découlée toute votre poésie, plus vous lui rendez d’hommages, plus vous insultez à vos dieux, puisque vous glorifiez si fort celui qui s’est joué d’eux. Nous nous souvenons encore de notre Homère. C’est lui, si je ne me trompe, qui abaissa la majesté divine jusqu’au niveau de la condition humaine, en donnant aux dieux nos accidents, nos pensées et nos passions ; lui qui les partage en deux camps rivaux et les fait combattre comme des couples de gladiateurs. Il blesse Vénus par une main mortelle ; il enferme pendant treize mois Mars dans un cachot, où il est menacé de périr ; il arrache aux