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parce que personne ne méprise ce qu’il sait bien ne pas exister. Ce qui existe peut être l’objet du mépris. Ce qui n’existe pas ne souffre quoi que ce soit. Il ne peut souffrir quelque chose que de la part de ceux qui croient à son existence. C’est donc vous qui êtes coupables, vous qui croyez et méprisez ; vous qui adorez et dédaignez ; vous qui respectez et insultez ! Il est facile de vous en convaincre. D’abord, puisque vous adorez, les uns un dieu, les autres un autre, il est clair que vous méprisez ceux que vous n’adorez pas ; la préférence pour l’un ne peut aller sans la répugnance pour l’autre ; tout choix renferme une répudiation ; opter entre plusieurs, c’est dédaigner celui pour lequel vous n’avez point opté. Mais il y a tant de dieux, répondez-vous, qu’il est impossible que tous soient adorés par tous. Il suit de là que dans l’origine vous avez commencé par les insulter, puisque vous en avez établi un si grand nombre, que tous ne peuvent être adorés. Les plus sages même et les plus éclairés de vos ancêtres, dont vous ne voulez point abandonner les institutions, se sont montrés plus d’une fois impies envers la personne de vos dieux. Je suis un imposteur, s’il n’est pas vrai qu’il ait été défendu à ce général qui, sur le champ de bataille, avait voué un temple au dieu Alburnus, de le lui consacrer avant que le sénat eût ratifié son voeu. C’est ce qui arriva à M. Emilius. N’est-ce donc pas une impiété, que dis-je ? n’est-ce pas le plus sanglant des outrages, que de soumettre à la fantaisie de la volonté humaine, les honneurs rendus à une divinité ; de sorte qu’il n’y a de Dieu qu’autant que le sénat l’a permis ? Souvent les censeurs ont aboli un dieu, sans le consentement du peuple. Il est avéré que les consuls, appuyés de l’autorité du sénat, chassèrent non seulement de Rome, mais de l’Italie tout entière, Bacchus avec ses mystères. Varron nous apprend que Sérapis, Isis, Harpocrate et Anubis furent mis à la porte du Capitole, et que leurs statues, renversées par le sénat, ne furent relevées que par la violence du peuple. Aux