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les Chrétiens lorsque l’empire romain a fourni tant d’histoires de ses travaux ? Où étaient les Chrétiens, lorsque les îles d’Hiérennape, de Delphes, de Rhodes et de Crète disparurent avec des milliers d’habitants ? ou lorsque cette île qui, suivant Platon, était plus vaste que l’Asie ou l’Afrique, fut engloutie par la mer Atlantique ? lorsque le feu du ciel dévora Vulsinies ? lorsque la flamme, partie de la montagne Tarpéienne, la consuma tout entière, lorsque la mer de Corinthe fut séchée par un tremblement de terre ? lorsque enfin le déluge anéantit l’univers ? Où étaient alors, je ne dirai pas les Chrétiens, contempteurs de vos dieux, mais vos dieux eux-mêmes, postérieurs à ce désastre, ainsi que le prouvent les lieux et les cités dans lesquelles ils naquirent, où ils demeurèrent, où ils furent ensevelis, ou même qu’ils bâtirent de leurs mains ? En effet, ces lieux et ces cités n’auraient par survécu jusqu’à nos jours, s’ils n’étaient postérieurs à cette catastrophe.

Mais vous vous souciez peu de parcourir les témoignages des temps que l’on dénature pour vous tromper, ne fut-ce que pour absoudre vos dieux du reproche d’injustice, s’il est vrai qu’ils châtient ceux qui les honorent, à cause de ceux qui les méprisent. Alors vous prouvez vous-mêmes que vous êtes dans l’erreur, puisque vous adorez des dieux aveugles qui ne savent pas vous distinguer d’avec les profanes.

— Ils s’irritent contre nous, répondent quelques-uns, parce que nous négligeons de détruire entièrement les Chrétiens. — Eh bien ! vous avez confessé par cet aveu leur impuissance et leur néant. Ils ne s’irriteraient pas contre vous, quand vous cessez de nous frapper, s’ils pouvaient nous frapper eux-mêmes. D’ailleurs vous proclamez encore cette vérité, quand vous les vengez par notre supplice. Ce qui dépend d’un autre, est défendu par un plus puissant que lui. Quelle honte que des dieux soient protégés par des hommes !