Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/470

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tant de milliers d'hommes, de tant de milliers de femmes de tout âge, de toute condition, qui présenteraient leurs bras à vos chaînes? Combien de bûchers, combien de glaives il vous faudrait! Quelles seraient les angoisses de Carthage, que tu veux décimer, quand chacun viendrait reconnaître, parmi les victimes, des parents, des habitants du même toit, des hommes, des femmes peut-être de ton rang, des personnages de la plus haute distinction, tes proches eux-mêmes, et les amis de tes amis? Je t'en conjure, épargne-toi toi-même, à défaut des Chrétiens. Epargne Carthage, si tu ne veux pas t'épargner toi-même. Epargne une province que la manifestation de tes desseins a déjà livrée aux déprédations d'une avide soldatesque et à l'emportement des vengeances particulières. " Nous n'avons de maître ici-bas que Dieu seul. " Ce maître est au-dessus de toi; il ne peut se cacher; mais tu ne peux rien contre lui. D'ailleurs, ceux que tu regardes comme tes maîtres ne sont que des hommes condamnés à mourir aujourd'hui ou demain. Mais notre religion à nous est indestructible. Sache-le bien! en paraissant l'immoler, tu ne fais que l'édifier davantage. Pas un homme qui, à l'aspect de cette prodigieuse patience, se sentant pressé comme d'un aiguillon à examiner ce qui est en cause, n'embrasse la vérité aussitôt qu'il la connaît.