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leur foi, quoique l’on pût lever des sommes immenses sur une si grande multitude, qui n’est un secret pour personne.

« Rachetés au prix du sang, » enrichis au prix du sang, nous ne devons aucune contribution pour notre tête, parce que « notre tête c’est le Christ. » Il ne convient pas que le Christ soit acheté à prix d’argent. Comment les martyres pourraient-ils se consommer pour rendre gloire à Dieu, si nous pouvions acheter avec un peu d’or l’autorisation d’être Chrétiens ? Marchander sa foi, c’est donc se révolter contre la volonté de Dieu.

Puisque César n’a jamais frappé et n’a jamais pu frapper d’un impôt le titre de Chrétien, à l’approche de l’ante-christ, qui a soif de notre sang et non pas de nos trésors, comment vient-on alléguer qu’il y a un commandement ainsi conçu : « Rendez à César ce qui est à César ? » C’est un satellite, un délateur, un ennemi particulier qui veut m’arracher de l’argent, sans rien exiger pour César ; il y a mieux, en désobéissant à César, puisqu’il renvoie à prix d’argent un Chrétien, coupable aux yeux de la loi humaine. Bien différent est le denier que je dois à César, le denier qui lui appartient, le denier dont il s’agissait alors, que lui devaient alors des tributaires, que ne lui doivent plus des hommes libres. Comment d’ailleurs « rendrai-je à Dieu ce qui appartient à Dieu, » c’est-à-dire l’homme chrétien, monnaie divine frappée à son image et marquée de son nom ? Si je dois un tribut à César, ne dois-je pas aussi à mon Maître, qui est dans les cieux, le tribut de mon sang, en échange de celui que son Fils versa pour moi ? Que si, d’une part, je dois à Dieu le sacrifice de l’homme, et jusqu’à la dernière goutte de mon sang ; que si, de l’autre, l’heure est arrivée de payer à Dieu la dette qu’il réclame, n’est-ce pas frustrer Dieu lui-même que de décliner l’acquittement de ma dette ? En vérité j’ai bien observé le précepte en « rendant à César ce qui est à César, mais en refusant à Dieu ce qui est à Dieu. »