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TERTULLIEN.


tour. Ils sont, maintenant dans la joie ; nous, nous sommes dans la tristesse. « Le monde, est-il dit, se réjouira, et vous, vous pleurerez. » Pleurons donc pendant que les idolâtres se réjouissent, afin que nous puissions nous réjouir à l’heure où commenceront leurs gémissements, de peur qu’en nous réjouissant avec eux aujourd’hui, nous ne pleurions avec eux un jour. Disciple du Christ, quelle est ta délicatesse, si tu convoites le plaisir du monde ; je me trompe : quelle est ton extravagance, si tu prends cela pour le plaisir ! Certains philosophes n’ont donné ce nom qu’à la tranquillité de l’âme. C’est dans cette douce quiétude qu’ils se réjouissent, dans elle qu’ils se glorifient, dans elle qu’ils s’isolent de la terre. Et toi, tu ne soupires qu’après la poussière de l’arène, les bornes du Cirque, les représentations de la scène, ou les cris de l’amphithéâtre. Réponds-moi, ne pouvons-nous vivre sans plaisir, nous qui devons mourir avec joie ? En effet, quel est notre vœu le plus ardent, sinon de « sortir du monde avec l’Apôtre et d’aller régner avec le Seigneur ? » Or, notre plaisir est là où est notre désir.

XXIX. Eh bien, je vous l’accorde, il faut à l’homme des délassements. Pourquoi donc êtes-vous assez ingrats pour fermer les yeux aux plaisirs si nombreux et si variés que Dieu a mis sous votre main, d’ailleurs plus que suffisants pour vous satisfaire ? Est-il un bonheur plus parfait que notre réconciliation avec Dieu le Père et avec notre Seigneur, que la révélation de la vérité, la connaissance de nos erreurs, et le pardon de nos crimes si nombreux dans le passé ? Quel plaisir plus grand que le dégoût du plaisir lui-même, que le mépris du monde tout entier, que la jouissance de la liberté véritable, que le calme d’une bonne conscience, que la sainteté de la vie, dégagée des terreurs de la mort ! Quelle satisfaction plus douce que de fouler aux pieds les dieux des nations, que de chasser les anges de ténèbres, que d’avoir le don des guérisons miraculeuses et des révélations divines, enfin que de vivre constamment