Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/419

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
413
TERTULLIEN.


-mêmes. Voilà pourquoi nous ne devons pas y assister, afin que celui qui aperçoit tout ne nous y aperçoive pas. Insensés ! vous comparez le coupable avec son juge ! L’un est coupable parce qu’il a été découvert, l’autre est juge, parce qu’il n’y a rien qu’il ne découvre. Ne nous sera-t-il pas libre aussi, selon vous, de nous abandonner à la fureur hors du Cirque, à l’impudicité hors du théâtre, à l’insolence hors du stade, à l’inhumanité hors de l’amphithéâtre, puisque Dieu a des yeux aussi hors des loges, hors des degrés, hors des portiques ? Illusion ! En aucun temps, en aucun lieu, ce que Dieu condamne n’est excusable. En aucun temps, en aucun lieu n’est permis ce qui n’est pas permis partout et toujours. Voilà quelle est l’intégrité de la vérité, quelle est la plénitude de la soumission qui lui est due, quelle est l’égalité de la crainte, quelle est la fidélité de l’obéissance : garder immuable ce précepte, et ne pas faire fléchir la justice. Ce qui est bon ou mauvais par soi-même ne saurait jamais être autre chose. Tout est irrévocablement fixé dans la vérité de Dieu.

XXI. Les païens, chez qui ne réside pas la plénitude de la vérité, parce qu’ils n’ont pas le Dieu qui enseigne la vérité, jugent du bien et du mal d’après leur fantaisie et leur caprice, appelant bien ce qu’hier ils appelaient mal, et mal ce qu’hier ils appelaient bien. Il arrive de là que dans une rue le même qui soulève à peine sa tunique pour une nécessité de la nature, au Cirque perd la pudeur jusqu’à livrer, aux regards de tous, les secrets de l’organisation humaine. Chez lui, il ferme les oreilles de sa fille à toute parole impure, puis il la conduit aux discours et aux gestes dissolus du théâtre : sur les places publiques, il apaise et condamne les querelles ; dans le stade, il applaudit aux sanglantes meurtrissures des athlètes. À l’aspect du cadavre d’un homme qu’a enlevé une mort naturelle, il frémit d’horreur ; dans l’amphithéâtre, il repaît avidement ses yeux du spectacle d’un corps déchiré, mis en pièces et nageant dans son sang. Il y a mieux : il vient