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TERTULLIEN.


-t-il d’ordinaire son plus grand charme à la représentation de quelque infamie, qu’un histrion toscan traduit dans des gestes, qu’un comédien met en relief en abdiquant son sexe sous des habits de femme, de sorte que l’on rougit plus volontiers dans l’intérieur de la maison que sur la scène ; infamie enfin, qu’un pantomime subit dans son corps dès sa première jeunesse, afin de l’enseigner un jour. Il y a mieux : les malheureuses victimes de la lubricité publique sont traînées elles-mêmes sur le théâtre, d’autant plus infortunées qu’il leur faut rougir en présence des femmes à qui elles avaient eu soin jusqu’alors de cacher leur honte : on les expose à la vue de tout le monde, de tout âge, de toute condition ; un crieur public annonce à ceux qui n’en avaient pas besoin, leur loge, leur beauté, leur tarif !…. Mais arrêtons-nous, et n’arrachons pas aux ténèbres de honteux secrets, de peur qu’ils ne souillent la lumière. Que le sénat rougisse, que toutes les classes rougissent ! Ces malheureuses qui immolent leur pudeur, en craignant d’étaler au grand jour et devant le peuple l’indécence de leurs gestes, savent du moins rougir une fois l’an[1].

Si nous devons avoir en abomination toute espèce d’impureté, pourquoi nous sera-t-il permis d’entendre ce qu’on ne pourrait proférer sans crime ? Ne savons-nous pas que Dieu « interdit toute plaisanterie et toute parole inutile ? » Pourquoi nous serait-il permis de regarder ce qu’il nous est défendu de faire ? Pourquoi les mêmes choses « qui souillent l’homme par la langue, » ne le souilleraient-elles pas également par les yeux et par les oreilles, puisque les oreilles et les yeux sont les ministres de l’âme, et qu’il est difficile que le cœur soit bien pur quand les organes chargés de le servir sont corrompus ? Voilà donc le théâtre condamné par l’anathème porté contre l’impudicité.

  1. Aux sacrifices de Flora.