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quelques-uns de ses rayons, soit en se forgeant des dieux pour les adorer ; et faute de chercher l’auteur de l’innocence, le juge et le vengeur du crime, elle s’est roulée dans la fange du vice et du désordre. En le cherchant, elle l’eût connu ; en le connaissant, elle l’eût adoré ; en l’adorant, elle eût éprouvé sa clémence au lieu d’irriter sa colère. Le même Dieu dont les hommes ont ressenti la vengeance avant qu’il y eût des Chrétiens, les châtie encore aujourd’hui. C’était lui qui leur prodiguait ses dons avant qu’ils se créassent des dieux chimériques. Pourquoi les calamités présentes ne partiraient-elles pas de la main bienfaitrice dont ils ont méconnu les bienfaits ? Ingratitude justiciable de Dieu, puisqu’elle s’attaque à Dieu.

Si cependant nous comparons les catastrophes antiques avec celles de nos jours, nous reconnaîtrons que les hommes sont traités avec moins de rigueur depuis que Dieu a donné des Chrétiens au monde. A dater de cette époque, l’innocence a balancé le crime, la terre a eu des intercesseurs auprès de Dieu. Que les pluies d’hiver et d’été, taries dans les deux, amènent la sécheresse, que l’année s’offre menaçante et pleine de terreurs, vous remplissez les bains et les cabarets, les mauvais lieux regorgent, vous sacrifiez à Jupiter, vous ordonnez au peuple de demander de l’eau, pieds nus ; vous cherchez le ciel au Capitole, vous attendez que la pluie s’épanche des voûtes du temple. Mais la demander à Dieu, mais tourner vos regards vers le ciel, vous n’y songez pas ! Pour nous, exténués par le jeûne et les austérités, purifiés par la continence, sevrés de tous les plaisirs, prosternés sous le sac et la cendre, nous désarmons la colère du ciel ; et lorsqu’enfin nous avons arraché la miséricorde, à Jupiter les actions de graces !

XLI. C’est donc vous qui êtes à charge au monde ; c’est vous qui, méprisant le vrai Dieu pour adorer de vains simulacres, attirez sur l’empire les malheurs qui l’accablent. Là où il y a vengeance, l’attribuerai-je à celui qu’