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le nom de Romains, sont des ennemis publics, ne pourrait-il pas se faire aussi que nous qui passons pour ennemis, et auxquels on refuse le nom de Romains, soyons aussi Romains et rien moins qu’ennemis ? Non ! la fidélité et le dévouement dus aux empereurs ne consistent pas en témoignages extérieurs, sous le masque desquels la trahison est si habile à se cacher ; ils consistent dans les sentiments pacifiques que nous sommes obligés d’entretenir pour tous les hommes comme pour les empereurs. Car ce n’est pas aux empereurs seuls que nous devons vouloir du bien : nous faisons le bien sans acception de personnes, parce que c’est pour nous-mêmes que nous le faisons, sans attendre ni louange, ni récompense d’aucun homme. Notre rémunérateur est Dieu, qui nous a prescrit cette charité universelle qui s’étend à tous indistinctement. Nous sommes pour les empereurs les mêmes que pour nos proches et nos voisins. Vouloir du mal à qui que ce soit, en faire, en dire, en penser même, nous est également interdit. Ce qui n’est point licite contre l’empereur, ne l’est contre personne : ce qui ne l’est contre personne, l’est peut-être encore moins contre celui que Dieu a élevé si haut.

XXXVII. Si, comme nous l’avons dit, il nous est ordonné d’aimer nos ennemis, qui pourrions-nous haïr ? S’il nous est défendu de nous venger de ceux qui nous offensent, pour ne pas leur ressembler, qui nous sera-t-il permis d’offenser ? Vous-mêmes, je vous établis juges : combien de fois vous êtes-vous déchaînés contre les Chrétiens, autant pour assouvir vos haines personnelles que pour obéir à vos lois ? Combien de fois n’a-t-on pas vu le peuple, sans attendre vos ordres, de son propre mouvement, se ruer précipitamment sur nous, des torches dans les mains, ou armé d’une grêle de pierres ? Dans la fureur des bacchanales, on n’épargne pas même les Chrétiens qui ne sont plus. Oui, l’asile de la mort est violé ! Du fond des sépulcres où ils dorment, on arrache nos cadavres, quoique déjà méconnaissables, quoique déjà en pourriture, pour mutiler encore