Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/320

Cette page n’a pas encore été corrigée

a sanctifié le désordre : rien de plus honnête alors que de décorer sa maison de toutes les apparences d’un lieu de prostitution nouvellement ouvert.

Il est à propos maintenant de mettre à nu la sincérité de vos démonstrations pour la seconde majesté, qui fournissent prétexte contre nous à une seconde calomnie. Vous accusez les chrétiens de sacrilège lorsqu’ils refusent, par respect pour la bienséance, pour la modestie et la pudeur, de célébrer avec vous les fêtes des Césars ? Examinons de quel côté se trouvent la franchise et la vérité. Il se pourrait que ceux qui nous refusent le nom de Romains et nous déclarent ennemis des empereurs, fussent plus criminels que nous. J’interroge donc les Romains eux-mêmes ; je demande à cette immense multitude qui s’agite sur les sept collines, si jamais sa langue, toute romaine qu’elle est, épargna aucun de ses empereurs. Tibre, réponds-moi ! parlez, écoles de gladiateurs ! Si la nature n’avait recouvert les cœurs que d’une matière transparente, pas un seul dans lequel on ne surprît, comme dans un miroir, à côté des vœux secrets qu’ils nourrissent, les images toujours nouvelles de nouveaux Césars, pour en obtenir les largesses et les distributions accoutumées. Oui, voilà ce qui occupe les Romains, à l’heure même où ils crient :

                   O ciel ! prends sur nos jours pour ajouter aux siens !

Un Chrétien ne connaît pas plus ce langage qu’il ne sait souhaiter un nouvel empereur.

Le peuple, dites-vous, est toujours peuple. — Soit. Mais cependant ce sont là des Romains : nous n’avons pas d’ennemis plus acharnés. Mais peut-être que les autres ordres de l’État, selon le rang qu’ils y occupent, ont montré une plus religieuse fidélité. Rien d’hostile dans le sénat, ni parmi les chevaliers : dans les camps, à la cour, pas l’ombre d’une conspiration. D’où venaient donc un Cassius, un Niger, un Albinus ? d’où venaient ceux qui assassinent César,