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les plient à l’événement, quel qu’il soit ! Crésus et Pyrrhus peuvent vous en parler savamment. Si la prêtresse sut à Delphes que Crésus faisait cuire une tortue avec de la chair d’agneau, c’est qu’en un clin d’œil le dieu s’était transporté en Lydie. Répandus dans l’air, portés sur les nues, voisins des astres, il leur est facile de prédire les changements de temps, la pluie, par exemple, que déjà ils sentent. Vantez leur secours dans la guérison des maladies, je vous le conseille. Ils commencent par vous les donner ; ils prescrivent ensuite des remèdes inouïs ou contraires. On croit qu’ils ont guéri le mal, ils ont simplement cessé d’en faire. A quoi bon citer après cela les impostures et les prestiges de ces esprits trompeurs, ces fantômes sous la figure de Castor et de Pollux, l’eau qu’une Vestale porte dans un crible, le vaisseau qu’une autre tire avec sa ceinture, cette barbe qui devient rousse sous la main qui la touche ? Et pourquoi tous ces prodiges ? afin qu’on adore des pierres et qu’on ne s’occupe plus du vrai Dieu.

XXIII. Or, si les magiciens font paraître des fantômes, s’ils évoquent les âmes des morts, s’ils font rendre des oracles à des enfants ; si, habiles charlatans, ils imitent les miracles, s’ils savent même envoyer des songes à la faveur des anges et des démons qu’ils ont invoqués et qui leur confient leurs pouvoirs, et par lesquels des chèvres, des tables devinent l’avenir, à plus forte raison ces puissances séductrices feront-elles par elles-mêmes et pour elles ce qu’elles opèrent pour des intérêts étrangers. Mais si vos dieux ne faisaient rien de plus que les anges et les démons, que deviendrait la prééminence, la supériorité qui caractérise essentiellement la nature divine ? Quand ils font des prodiges pour établir la croyance des dieux, n’est-il pas plus probable qu’ils aiment mieux se faire dieux que de se donner simplement pour anges ou démons ? Ou bien, toute la différence viendrait-elle des lieux ? Ceux que vous proclamez dieux dans vos temples, cesseraient-ils de l’être partout