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et surtout d’un mort ? Si pareil besoin devait se faire sentir, pourquoi dès le principe ne pas créer un dieu qui pût servir plus tard d’auxiliaire ? Et je ne vois pas encore à quoi bon. Que ce monde n’ait pas été fait ; qu’il n’ait pas eu de commencement, comme le veut Pythagore, ou qu’il ait été fait et qu’il soit né, comme l’enseigne Platon, ce monde, dans l’un et l’autre système, s’est trouvé arrangé, disposé, ordonné par la plus haute sagesse. Le principe qui conduit tout à la perfection ne pouvait être imparfait. Dès-lors qu’avait-il besoin de Saturne et de sa race. Que de légèreté dans les hommes qui ne croient pas que dès le commencement de toutes choses, la pluie soit tombée du ciel, que les astres aient resplendi, la lumière brillé, le tonnerre mugi ; que Jupiter lui-même ait redouté les foudres dont vous armez ses mains ; que toutes sortes de fruits soient sortis du sein de la terre avant Bacchus, et Cérès et Minerve, et même avant ce premier homme père des autres ! car rien de ce qui était nécessaire à l’homme pour le nourrir et le conserver n’a pu être fait après lui. On dit des choses nécessaires à la vie, qu’elles ont été découvertes par l’homme, mais non créées. Or ce qui est découvert existait, ce qui existait s’attribue non à celui qui a découvert, mais à celui qui a créé. Une chose existe avant sa découverte. Mais si Bacchus est un dieu pour avoir fait connaître la vigne, on est injuste envers Lucullus, qui le premier a transporté dans l’Italie les cerisiers du Pont. On ne l’a pas consacré Dieu comme auteur d’un fruit, pour l’avoir découvert et montré. Si, dès le principe, chaque chose s’est trouvée munie et pourvue de tout ce qui était nécessaire aux fonctions qu’elle avait à remplir, à quoi bon changer l’homme en dieu ? Les postes et les emplois que vous distribuez étaient dès l’origine tout ce qu’ils auraient été quand vous n’auriez pas créé des dieux.

Mais vous vous tournez d’un autre côté. Vous nous répondez qu’en conférant la divinité, on voulait récompenser le