Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/271

Cette page n’a pas encore été corrigée

à Bacchus, désormais divinité de l’Italie, vous êtes coupables de toutes les transgressions dont vous faites un crime aux Chrétiens ; vous négligez, vous outragez, vous détruisez le culte de vos propres divinités, et cela au mépris de l’autorité des ancêtres. Je vous le prouverai quand il sera temps ; mais, en attendant, je vais répondre à cette calomnie qui nous impute des crimes secrets, et je me préparerai la voie à des justifications plus éclatantes.

VII. On dit que dans nos mystères nous égorgeons un enfant, que nous le mangeons, et qu’après cet horrible repas, nous nous livrons à des plaisirs incestueux, lorsque des chiens dressés à ces infamies ont renversé les flambeaux, et en nous délivrant de la lumière, nous ont affranchis de la honte. On le répète tous les jours. Mais, depuis si long-temps qu’on le répète, vous n’avez pris aucun soin d’éclaircir le fait. Eclaircissez-le donc si vous le croyez ; ou cessez de le croire, si vous ne voulez pas l’éclaircir. Votre négligence hypocrite prouve que ce que vous n’osez éclaircir n’est pas. Vous confiez contre les Chrétiens un singulier ministère au bourreau, qui les oblige non pas à avouer leur conduite, mais à taire leur nom.

La religion des Chrétiens, nous l’avons dit, a commencé sous Tibère. La vérité a commencé en se faisant haïr, et elle a apparu comme une ennemie. Autant d’étrangers, autant d’adversaires : les Juifs par jalousie, les soldats par l’avidité du pillage, nos serviteurs par leur condition même. Tous les jours on nous assiège ; tous les jours on nous trahit ; la plupart du temps on nous fait violence jusque dans nos assemblées. Qui de vous a jamais entendu les cris de cet enfant que, nous immolons ? Nommez-moi le dénonciateur qui ait montré au juge nos lèvres encore sanglantes, comme celles des cyclopes et des syrènes ? Avez-vous surpris dans les femmes chrétiennes quelques traces de ces infamies ? Celui qui aurait pu voir de pareilles abominations aurait-il été vendre son silence à des hommes qu’il traînait devant les tribunaux ?