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autel, un sanctuaire, ou que tu fabriques des lames de métal, des ornements pour l’idole, ou simplement la niche qui lui est destinée. L’industrie la plus honteuse n’est pas celle qui fait le dieu : c’est celle qui lui donne sa majesté.

Si on allègue pour prétexte la nécessité des arts de luxe, ils ont une multitude d’applications qui fourniront des ’moyens d’existence sans déroger à la loi, c’est-à-dire sans fabriquer des idoles. Le travailleur en stuc peut enduire des murailles, raccommoder des toitures, terrasser des citernes, tracer des cymaises, et incruster dans les murs des ornements qui ne ressemblent en rien à des simulacres. Le peintre, le statuaire, le sculpteur en airain, le ciseleur, savent exécuter des choses qui tiennent à leur art, beaucoup plus faciles que des images. A plus forte raison, celui qui dessine une figure saura-t-il ajuster un échiquier. Pour la main qui a fait sortir le dieu Mars d’un tilleul, la fabrication d’une armoire ne sera qu’un jeu. Point d’industrie qui ne soit la mère ou la sœur d’une autre industrie. Tous les métiers se touchent : ils ont autant de ramifications que les hommes ont de désirs.

— Mais, direz-vous, il s’agit de notre salaire et de notre gain ; conséquemment il y va aussi de notre travail.

— Sans doute ; mais l’abondance de la vente fait compensation à l’exiguïté du prix. Combien de murailles ont-elles besoin d’idoles ? Combien de temples et de sanctuaires élève-t-on en l’honneur des faux dieux ? Mais, en revanche, que de maisons ! que de prétoires ! que de bains ! que de quartiers ! Tous les jours on a des souliers et des brodequins à dorer, on ne dore pas tous les jours un Mercure ou un Sérapis. Le luxe public suffira donc à nourrir les artisans ; car la vanité et l’ambition sont plus étendues que la superstition : l’ambition vous demandera plus de plats et de coupes que le culte des idoles. Le luxe vous achètera plus de couronnes que la fête païenne. Ainsi, puisque nous exhortons toutes les classes d’artisans à s’interdire la