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effet, on arrive à la douleur par le mal ; mais puisqu’on ne peut guérir qu’au prix de la pénitence, l’affliction disparaît parce qu’elle est salutaire. Il est douloureux de subir une amputation, d’être brûlé par un cautère, et d’être torturé par l’aiguillon mordant de quelque poudre ; mais on pardonne volontiers aux remèdes qui guérissent par la douleur ce qu’ils ont de pénible, et le bienfait à venir étouffe le mal présent.

XI. Mais que dire si la mauvaise honte leur paraît encore préférable à la mortification corporelle ? Quoi donc, s’écrient-ils, renoncer au bain, porter des vêtements souillés ; s’interdire toute joie ; vivre dans la rudesse du sac, sur le dégoût de la cendre, dans les flétrissures d’un visage amaigri par le jeune ! Est-ce donc sous la pourpre de Tyr qu’il convient de pleurer nos péchés ? Eh bien ! tenez, voilà une aiguille pour séparer vos cheveux ; voilà une poussière pour relever l’éclat de vos dents ; voilà des ciseaux de fer ou d’airain pour façonner vos ongles ; répandez sur vos lèvres ou sur vos joues cette blancheur menteuse, cette rougeur hypocrite ; allez chercher des bains plus délicieux dans la retraite de quelque villa ou sur les côtes de la mer ; ajoutez à vos dépenses ; chargez votre table d’aliments plus recherchés ; savourez la vieillesse des vins ; et lorsqu’on vous demandera pourquoi cette abondance, répondez : « J’ai péché contre Dieu ; je suis en danger de périr éternellement : voilà pourquoi je m’épuise en recherches, en mortifications et en douleurs pour me rendre propice le Dieu que j’ai offensé par mes prévarications. » Mais quoi ! ceux qui intriguent pour obtenir des magistratures, n’éprouvent ni honte, ni répugnance à braver les fatigues de l’ame et du corps. Que parlé-je de fatigues ? Ils s’endurcissent aux affronts pour arriver au succès de leurs vœux. A quels vêtements grossiers ne descendent-ils pas ? Combien de portes ne fatiguent-ils pas soir et matin par leurs salutations intéressées ? Pas un personnage considérable devant lequel ils ne