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occasionnons à nous-mêmes. Que si, au contraire, nous pensons que les maux nous viennent de Dieu, à qui devons-nous plus de soumission qu’au Seigneur ? Que dis-je ? il nous avertit lui-même de nous féliciter et de nous réjouir de ce qu’il nous a jugés dignes du châtiment divin. « Je châtie, dit-il, ceux que j’aime. » Bienheureux le serviteur que le Seigneur lui-même s’empresse de corriger, contre lequel il daigne s’irriter, qu’il ne trompe pas en lui cachant les reproches !

De tous côtés donc nous sommes assujettis au devoir et à l’exercice de la patience ; de quelque part que nous nous tournions, que l’usage de cette vertu nous vienne de nos propres erreurs, des pièges du démon ou des avertissements du Seigneur, la récompense en est grande, puisqu’il s’agit de la félicité. A qui, en effet, Dieu donne-t-il le nom d’heureux, sinon aux patients, quand il dit : « Bienheureux les pauvres d’esprit, parce que le royaume du ciel est à eux ! » Or, on n’est pauvre d’esprit qu’à la condition d’être humble : qui est humble, s’il n’est patient ? parce qu’en effet personne ne peut s’abaisser sans commencer par souffrir son abaissement même. « Bienheureux, poursuit-il, ceux qui pleurent et sont dans l’affliction ! » Qui supporte cet état sans le secours de la patience ? aussi est-ce à eux que sont promises l’élection et l’allégresse. « Bienheureux ceux qui sont doux ! » Il est clair que cette expression ne s’applique nullement aux impatients. De même, quand il désigne encore les pacifiques par ce titre d’heureux, et les appelle « enfants de Dieu, » les impatients ont-ils quelque chose de commun avec la paix ? A l’insensé de le croire. Mais quand il dit : « Réjouissez-vous et abandonnez-vous à l’allégresse toutes les fois que l’on vous maudira et que l’on vous persécutera, parce que votre récompense est grande dans le ciel, » ces promesses de joie et d’allégresse ne s’adressent point à l’impatience, apparemment. En effet, personne ne se réjouira dans l’adversité, à moins de l’avoir dédaignée ;