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est assez patient pour ne point se défendre ? Qui, au contraire, juge pour pardonner ? et même, pardonnât-il, il s’est exposé à l’impatience de celui qui juge, et il a dérobé au juge unique, c’est-à-dire à Dieu, l’honneur qui lui appartient.

A travers combien de malheurs l’impatience de cette nature n’a-t-elle point coutume de se jeter ! Combien de fois ne s’est-elle pas repentie d’avoir défendu ses droits ! Combien de fois d’opiniâtres représailles ont-elles été pires que les motifs qui les avaient excitées ! La raison en est simple : rien de ce qu’entreprend l’impatience ne saurait s’accomplir sans une aveugle impétuosité ; rien de ce qui se fait avec une aveugle impétuosité qui ne manque le but, ne croule ou ne se brise. Si tu ne te défends qu’à moitié, tu es un insensé ; avec fureur, tu seras accablé. Qu’ai-je donc de commun avec une vengeance dont je ne puis modérer les transports par l’impatience de la douleur ? Que si, au contraire, je m’enracine dans la patience, dès-lors je ne souffre plus ; si je ne souffre plus, je ne songerai point à me venger.

XI. Après ces occasions principales d’impatience, que nous avons exposées du mieux que nous avons pu, à quoi bon parcourir les autres, au-dedans, au-dehors de nous-mêmes ? L’opération de l’esprit malfaisant s’étend au loin ; il lance de tous côtés des dards qui laissent dans les ames des blessures, tantôt légères, tantôt profondes. Que faire ? Mépriser les traits légers, à cause de leur faiblesse ; secouer promptement, à cause de leur importance, ceux qui sont redoutables. Là où l’injure est médiocre, l’impatience n’est point nécessaire ; mais là où l’injure est grave, la patience, remède de l’injure, n’en est que plus nécessaire. Travaillons donc à soutenir courageusement les assauts du malin esprit, afin que, par une sorte de rivalité, notre fermeté d’ame trompe les efforts de l’ennemi. Nous attirons-nous quelque disgrace par notre imprudence ou même par notre volonté, supportons tranquillement le mal que nous nous