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Enfin, le libertinage, l’avarice, l’iniquité, tous les dérèglements qui chaque jour lèvent de plus en plus la tête, il les souffre, avec une patience qui fait tort à sa grandeur ; car plusieurs refusent de croire à Dieu, parce qu’ils le voient si lent à punir le monde.

III. Tel est le tableau de la patience divine, qui nous est montrée comme de loin, pour nous apprendre sans doute que cette vertu vient d’en haut. Mais que dire de cette patience divine que les hommes ont pu autrefois toucher de la main, pour ainsi parler ? Tout Dieu qu’il est, il consent à naître dans le sein d’une mère ; il y attend son heure ; une fois né, il veut croître à la manière des hommes ; plus âgé, il ne cherche point à se faire reconnaître ; que dis-je ? il cherche à s’abaisser lui-même ; il se laisse baptiser par son serviteur ; il ne repousse que par la parole les assauts du tentateur. Lorsque de souverain il s’est fait notre maître pour nous enseigner la voie du salut, instruit au pardon par une patience qui en avait déjà trouvé plus d’une application, « il ne conteste point, il ne crie point ; personne n’entend sa voix sur les places publiques ; il ne brise point le roseau ébranlé ; il n’éteint point le lin qui fume encore. » Ainsi se vérifiait la prophétie, ou plutôt le témoignage de Dieu lui-même, qui épanchait son esprit dans son Fils avec la plénitude de sa patience. Il ne rejette aucun de ceux qui veulent s’attacher à lui ; il ne dédaigne la table ni le toit de personne ; il ne rebute ni les pécheurs, ni les publicains. Il ne s’irrite pas même contre la ville qui avait refusé de le recevoir, tandis que ses disciples appelaient les feux du ciel sur cette ville insolente. Il guérit les ingrats ; il se livre de lui-même à ceux qui lui tendaient des pièges. C’est trop peu, il garde auprès de lui le traître qui le vendra, et il ne le démasque point au grand jour. Regarde-le quand il est livré, quand il est emmené ; c’est une victime que l’on conduit à la boucherie. « Il n’ouvre pas plus la bouche qu’un agneau, muet sous la main qui le tond. Ce Dieu qui, s’il l’avait voulu, pouvait s’environner d’