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étendue, puisqu’elle était privée d’habitants ; quelque famille venait-elle à s’y établir, elle y était seule avec elle-même. Mais, ayant reconnu que tantôt elle trouvait l’abondance, tantôt la disette, elle se mit à défricher et cultiver toutes ces terres, afin qu’à l’imitation de ces plantes qui provignent par leurs surgeons, les peuples engendrassent des peuples, les cités des cités, et se répandissent sur la face de l’univers. Les nations versèrent ailleurs le superflu de leur population, comme des essaims d’abeilles. La surabondance des Scythes enrichit la Perse ; les Phéniciens débordent sur l’Afrique ; les Phrygiens enfantent les Romains ; la semence des Chaldéens se développe en Égypte, d’où elle sort quelque temps après pour former la nation juive. Ainsi la postérité d’Hercule, occupant avec Téménus le Péloponnèse, le rend illustre. Ainsi les Ioniens, compagnons de Nélée, couvrent l’Asie de cités nouvelles. Ainsi les Corinthiens, sous la conduite d’Archias, fortifient Syracuse.

Mais pourquoi citer l’antiquité, puisque nous avons sous les yeux nos propres changements ? Quelle partie du monde n’a pas réformée le siècle présent ? Combien de villes n’a pas enfantées, accrues, ou restituées la triple vertu de l’empire actuel ? Grâce à Dieu qui favorise tant d’Augustes en un seul, que de revenus nouveaux portés sur le registre des censeurs ! que de peuples purifiés ! que d’ordres illustrés ! que de Barbares refoulés ! Avouez-le : cet univers, depuis que la ciguë de l’hostilité est déracinée et que les épines d’une amitié trompeuse ont disparu, est un champ soigneusement cultivé par cet empire, plus délicieux que le verger d’Alcinoüs, plus odoriférant que les bosquets de roses de Midas. Si tu approuves les changements de l’univers, pourquoi blâmer ceux de l’homme ?

III. Les animaux eux-mêmes, au lieu de vêtement, changent de forme. La plume toutefois tient lieu d’habit au paon, et même de l’habit le plus riche. Que dis-je ? La pourpre de son cou est plus éclatante que celle des plus rares