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des astres nous cache aujourd’hui une étoile qu’elle nous montrera demain. L’enveloppe du ciel est tantôt sereine et lumineuse, tantôt obscurcie par des vapeurs ; tantôt ce sont des torrents de pluie qui se précipitent ; tantôt des projectiles qui s’y mêlent ; d’autres fois, ce n’est qu’une rosée légère ; puis voilà la sérénité première. Sur la mer, même inconstance : aujourd’hui que les vents soufflent également, elle est tranquille et innocente : demain une brise modérée l’agite ; soudain la voilà qui bondit sous la vague. De même, si vous regardez la terre, qui aime à changer de parure avec les saisons, à peine oserez-vous dire que ce soit la même terre, tout à l’heure verte pour vos yeux, aujourd’hui jaune, dans quelques jours toute blanche. N’en puis-je pas dire autant de ses autres ornements ? Les torrents qui descendent des montagnes, les sources d’eau qui se jouent sous la terre, le lit des fleuves en se couvrant de limon, ne se renouvellent-ils pas constamment ? Que dis-je ? Le monde tout entier changea autrefois d’aspect, puisque les eaux l’engloutirent. Les coquillages et les trompes de mer voyagent aujourd’hui encore sur les montagnes, voulant sans doute prouver à Platon que les plus hauts sommets avaient flotté sous les eaux. Quand celles-ci se retirèrent, le globe reprit sa première forme, autre par ce changement, quoique toujours le même. Son extérieur change encore accidentellement, lorsque le site est bouleversé. Ainsi Délos n’existe plus parmi les îles ; Samos n’est plus que du sable ; la sibylle n’a pas menti. On cherche encore dans la mer Atlantique une île qui égalait en grandeur la Libye ou l’Asie. Un des côtés de l’Italie, détaché par la fureur de l’Adriatique et de la mer de Toscane, entre lesquelles il était enfermé, forma de ce débris la Sicile. Toute cette plage, ainsi déchirée, refoulant dans son détroit les vagues des deux mers qui s’y rencontrent, donna une cruauté nouvelle à cette mer, qui ne vomit pas les naufrages, mais les dévore.