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pour désirer, discerner et obtenir la jouissance des choses, par l’intermédiaire de membres et d’organes particuliers. Il a creusé l’ouïe dans les oreilles ; il a allumé le regard dans les yeux ; il a enfermé le goût dans la bouche ; il a livré dans les narines l’odorat à tous les souffles ; il a placé l’intelligence dans le toucher des mains. C’est par ces organes, mis au service de l’homme extérieur, que l’ame jouit des dons divins. Quel fruit retire-t-on des fleurs ? La matière essentielle, ou du moins la matière principale des couronnes, ce sont les fleurs du champ. C’est l’odeur, me réponds-tu, ou la couleur, ou bien l’une et l’autre à la fois. Eh bien ! quels sens affecte la couleur et l’odeur ? La vue, j’imagine, et l’odorat. Quel est le siège de ces sens ? les yeux et les narines, si je ne me trompe. Jouis donc de ces fleurs par la vue et par l’odorat, puisque ce sont les sens propres à ces fleurs ; jouis-en par les yeux et par les narines, puisque ce sont, les organes où siègent ces sens. La substance t’a été communiquée par Dieu ; l’usage vient du monde ; toutefois un usage illégitime ne peut prescrire contre l’usage légitime. Que les fleurs tressées ou enlacées en bouquet, retenues par la soie ou par le jonc, soient pour toi ce qu’elles sont abandonnées à elles-mêmes et libres : une chose que l’on regarde ou que l’on respire. Si tu as tant de goût pour un faisceau de fleurs, réunies l’une à l’autre, afin d’en porter avec toi un plus grand nombre à la fois, et d’en respirer le parfum en même temps, cache-les dans ton sein, puisqu’elles ont tant de pureté ; répands-les sur ta couche, puisqu’elles ont tant de délicatesse ; confie-les à la coupe, puisqu’elles ont tant d’innocence ; jouis-en autant de fois que tu as de facultés, Mais, placées sur ta tête, quel plaisir te donnent-elles ? En quoi une couronne te profite-t-elle plus qu’un bandeau ? la couleur t’échappe ; le parfum n’arrive pas jusqu’à tes narines ; la délicatesse est perdue pour toi. Il est aussi contraire à la nature de rechercher des fleurs pour sa tête que des aliments pour l’oreille ou des sons pour les narines. Or,