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Heraclite du feu ; Hippon et Thalès de l’eau ; Empédocle et Critias du sang ; Critolaus et ses péripatéticiens, de je ne sais quelle cinquième substance, supposé qu’elle soit un corps, puisqu’elle renferme des corps ; j’invoque encore le témoignage des stoïciens, qui en déclarant presque avec nous que l’âme est un esprit, puisque le souffle et l’esprit sont rapprochés l’un de l’autre, persuaderont aisément que l’âme est un corps. Enfin Zenon, en définissant l’âme un esprit qui a été semé avec l’homme, raisonne de cette manière : Ce qui, en se retirant, cause la mort de l’animal, est un corps ; or l’animal meurt aussitôt que l’esprit semé avec lui se retire ; donc l’esprit semé avec lui est un corps ; or l’esprit semé avec lui n’est rien moins que l’âme ; donc l’âme est un corps. Cléanthe veut même que la ressemblance passe des pères aux enfants, non-seulement par les linéaments du corps, mais par les marques de l’âme, espèce de miroir qui reflète les mœurs, les facultés et les affections des pères ! Il ajoute que l’âme est susceptible de la ressemblance et de la dissemblance du corps ; par conséquent, qu’elle est un corps soumis à la ressemblance et à la dissemblance. Les affections des êtres corporels et incorporels, dit-il encore, ne communiquent pas entre elles. Or, l’âme sympathise avec le corps. A-t-il reçu quelques coups ou quelques blessures ? elle souffre de ses plaies. Le corps de son côté sympathise avec l’âme. Est-elle troublée parle chagrin, par l’inquiétude, par l’amour ? il est malade avec elle ; il perd de sa vigueur ; il atteste sa pudeur ou sa crainte par la rougeur et la pâleur. L’âme est donc un corps, puisqu’elle participe aux affections corporelles.

Mais voilà que Chrysippe tend la main à Cléanthe, en établissant qu’il est absolument impossible que les êtres corporels soient abandonnés par les êtres incorporels, parce qu’ils ne sont pas en contact avec eux. De là vient l’adage de Lucrèce : « Rien ne peut toucher ni être touché, à moins que ce ne soit un corps. » Or, aussitôt que l’âme