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l’âme seule, sans que le corps en soit atteint, est-elle déchirée par un ressentiment, une colère, un ennui, qui la plupart du temps lui est inconnu ? De même combien de fois, dans l’affliction du corps, se cherche-t-elle une joie furtive, et se sépare-t-elle en ce moment de l’importune société du corps ? Je me trompe, ou bien, seule, elle a coutume de se glorifier des tortures du corps. Regarde l’âme de Mutius, lorsqu’elle détruit sa main droite dans les flammes. Regarde l’âme de Zenon, lorsque les supplices de Denys la laissent indifférente. Les morsures des bêtes féroces sont les joyaux de la jeunesse, comme dans Cyrus, les cicatrices de l’ours. Tant il est vrai que l’âme, jusque dans les enfers, sait s’attrister et se réjouir sans la chair, parce qu’elle s’attriste, à son gré, dans une chair qui ne souffre pas, et se réjouit, à son gré, dans une chair qui souffre. Si elle le peut, en vertu de sa liberté, pendant la vie, à combien plus forte raison, en vertu du jugement de Dieu, après la mort !

Il y a mieux. L’âme n’exécute pas toutes ses œuvres par le ministère de la chair ; car la vindicte divine poursuit la pensée toute seule et la simple volonté : « Quiconque regarde avec convoitise a commis l’adultère dans son cœur. » C’est pour cela qu’il est donc très-convenable que l’âme, sans attendre la chair, soit punie de ce qu’elle a commis sans le concours de la chair. De même elle sera récompensée, sans la chair, des pensées compatissantes et miséricordieuses, pour lesquelles elle n’a pas eu besoin de l’assistance de la chair. Que dire maintenant, si, même dans les choses charnelles, elle est la première qui conçoit, dispose, ordonne, encourage ? Et, si quelquefois elle agit malgré elle, toutefois elle exécute toujours la première ce qu’elle effectuera par le corps. Enfin jamais la conscience ne sera postérieure au fait : par conséquent, il convient aussi à ce point de vue, que la substance qui la première a mérité la récompense la goûte la première. En un mot, puisque par ce cachot que nous montre l’Evangile, nous entendons