Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/113

Cette page n’a pas encore été corrigée

la constance du martyre ; si tu portes ta croix et que tu suives le Seigneur, ainsi qu’il l’a prescrit, la clef du paradis est aussitôt le prix de ton sang. Tu as d’ailleurs un de nos traités, intitulé Paradis, où nous établissons que toutes les âmes sont tenues en réserve dans les lieux bas de la terre jusqu’au jour du Seigneur.

LVI. Il se rencontre une discussion : Les âmes sont-elles séquestrées immédiatement après leur sortie de la terre ? Quelque cause en retient-elle un bon nombre pendant un certain temps ici-bas ? Une fois reçues dans les lieux inférieurs, peuvent-elles en sortir à leur gré ou sur les ordres divins ? Ces opinions ne manquent pas de partisans. L’antiquité a cru que ceux qui n’avaient pas reçu la sépulture n’étaient pas admis dans les enfers avant d’avoir acquitté leur dette, témoin Patrocle, qui, dans Homère, réclame en songe, auprès d’Achille, les honneurs funéraires, parce qu’il ne pouvait sans eux arriver aux portes des enfers, attendu que les âmes de ceux qui avaient été ensevelis l’en repoussaient obstinément. Or, outre les droits de la poésie, nous connaissons quel est le respect d’Homère pour les morts. En effet, il visa d’autant plus au soin de la sépulture, qu’il en blâma davantage le retard comme injurieux pour les âmes, craignant d’ailleurs que quelqu’un, en gardant chez lui un mort sans lui rendre les derniers devoirs, ne se préparât ainsi de plus cruelles tortures, par l’énormité d’une consolation, nourrie de douleur. Il s’est donc proposé un double but en nous représentant les gémissements d’une âme sans sépulture ; il a voulu maintenir le respect pour les corps par la promptitude des funérailles, et tempérer l’amertume des chagrins. D’ailleurs, quelle chimère que de s’imaginer que l’âme attende la sépulture du corps, comme si elle emportait aux enfers quelque chose de ces honneurs ! Chimère plus ridicule encore que d’imputer à l’âme comme un outrage la privation de sépulture, qu’elle devrait accepter comme une faveur ! N’est-il pas évident que celle qui n’a pas voulu mourir,