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indivisiblement pour l’âme, non pas en tant qu’immortelle, mais en tant qu’indivisible. Or, la mort se divisera si l’âme se divise aussi, le superflu de l’âme devant mourir un jour : ainsi une portion de la mort demeurera avec une portion de l’âme. Qu’il existe des vestiges de cette opinion, je ne l’ignore pas. Je l’ai appris par l’exemple d’un des miens. J’ai connu une femme, née de parents chrétiens, morte dans la fleur de l’âge et de la beauté, peu de temps après un mariage unique. Elle s’était endormie dans la paix du Seigneur. Avant que l’on procédât à sa sépulture, au moment où le prêtre prononçait les prières, au premier souffle de l’oraison, elle écarta les mains de sa poitrine, les croisa dans l’attitude d’une suppliante, et ne les laissa retomber à leur place qu’après que les prières eurent été achevées.

Il court chez les nôtres un autre récit. On veut que dans un cimetière un corps se soit retiré pour céder l’espace à un autre corps que l’on plaçait auprès de lui. Si on raconte quelque chose de semblable chez les païens, c’est que Dieu déploie partout les signes de sa puissance pour servir de consolation aux siens, de témoignage aux étrangers. J’aime mieux attribuer cette merveille à Dieu qu’aux restes de l’âme, qui, s’ils existaient, auraient remué aussi leurs autres membres, et n’eussent-ils remué que leurs mains, ce n’eût pas été pour prier. Quant à ce corps, non-seulement il eût cédé la place à son frère, mais il se fût porté secours à lui-même, en changeant de situation. De quelque part que procèdent ces choses, il est certain qu’il faut les mettre sur le compte du prodige et du phénomène, plutôt que d’y voir le cours régulier de la nature. Si la mort n’arrive pas toute entière et d’une seule fois, elle n’existe pas. S’il reste une parcelle de l’âme, c’est la vie : la mort ne se mêlera pas plus à la vie que la nuit au jour.

LII. Cette œuvre de la mort, en d’autres termes la séparation du corps et de l’âme, sans vouloir parler ici de la fin, naturelle ou fortuite, a été divisée en deux catégories par la volonté de l’homme, l’ordinaire et l’extraordinaire. Il attribue l’ordinaire à la nature : c’est toute mort paisible. Quant à l’extraordinaire, il la juge en dehors de la nature ; c’est toute mort violente. Pour nous, qui connaissons les origines de l’homme, nous posons hardiment en principe que l’homme n’était pas né mortel, mais qu’il l’est devenu par une faute, qui même n’était pas inhérente à sa nature. Toutefois on usurpe volontiers le nom de nature dans des choses qui semblent s’être attachées accidentellement à l’âme, depuis sa naissance. Car si l’homme avait été créé directement pour la mort, alors on pourrait imputer la mort à la nature. Or, qu’il n’ait pas été créé pour la mort, la preuve en est dans la loi elle-même qui tient suspendue sur sa tête une menace conditionnelle, et abandonne à la liberté de l’homme l’événement de la mort. Enfin, s’il n’avait pas péché, il ne serait jamais mort. N’appelons donc pas