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surtout de Dieu la faveur et l’interprétation des songes. Pour moi, j’ignore si je suis le seul, mais le jeûne me fait rêver si bien, que je ne m’aperçois pas avoir rêvé.

— Quoi donc ! me diras-tu, la sobriété est-elle indifférente sur ce point ?

— Loin de là ; elle est aussi nécessaire là-dessus que partout ailleurs : si elle profite à la superstition, à plus forte raison à la religion. Les démons l’exigent de leurs rêveurs, pour qu’elle serve d’introduction à leur divinité, parce qu’ils savent qu’elle est familière à Dieu. D’ailleurs Daniel ne s’est-il pas privé d’aliments pendant l’espace de trois semaines ? Mais dans quel but ? afin de se concilier Dieu par l’exercice de la mortification, et non pour attirer l’intelligence et la sagesse sur son âme qui aspirait à rêver, comme si la révélation devait s’obtenir autrement que par l’extase. Ainsi la sobriété ne servira point à faire naître l’extase, mais elle sera comme la recommandation de l’extase pour qu’elle s’accomplisse en Dieu.

XLIX. Les enfants ne rêvent pas, dit-on, puisque toutes les facultés de leur âme sont encore comme ensevelies, à cause de la faiblesse de leur âge. Que ceux qui le pensent remarquent leurs soubresauts, leurs signes et leurs sourires pendant leur sommeil, afin de se convaincre par les faits que les mouvements de l’âme qui sommeille éclatent facilement à la surface, à travers la délicatesse de la chair. On veut que les Atlantes, peuple de la Lybie, dorment d’un sommeil dont ils ne se souviennent pas ; on en conclut la stupeur de l’âme. Or, ou la renommée, qui souvent calomnie les barbares, a trompé Hérodote ; ou bien une grande multitude de démons de cette nature règne dans cette contrée. S’il est vrai qu’Aristote parle d’un certain héros de Sardaigne, qui privait de visions ceux qui dormaient dans son temple, il en résulte qu’il est à la fantaisie des démons de chasser ou d’amener les songes, si bien que les songes tardifs de Néron et l’absence merveilleuse de songes