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toutes les qualités, soit de colère, soit de faveur qu’il attribue à la terre, parce que la terre n’ayant fait ni bien ni mal, n’est point soumise aux jugements de Dieu. « Elle a été maudite, il est vrai, mais pour avoir bu le sang ; » cela même est un symbole de la chair homicide. Que la terre se réjouisse, ou qu’elle souffre, c’est à cause de l’homme, afin qu’il soit châtié ou récompensé par les divers accidents de son domicile, raison de plus pour qu’il réfléchisse à tout ce que la terre souffrira par rapport à lui. Ainsi que Dieu menace la terre, ou qu’il lui promette quelque faveur, je me dis à moi-même : « C’est à la chair que Dieu adresse ces menaces ou ces promesses. » Qu’il s’écrie par la bouche de David : « Le Seigneur triomphe, que la terre tressaille d’allégresse, » je vois dans cette terre la chair des saints à qui appartient le fruit du royaume divin, « La terre a vu, et elle a tremblé, » poursuit le prophète, « Les montagnes se sont fondues comme la cire devant la face du Seigneur ; » c’est-à-dire la chair des profanes, parce qu’il est écrit : « Ils verront celui qu’ils ont percé de leurs traits. »

Veut-on que ces paroles se rapportent à la terre, simple élément ? Mais alors comment une terre à laquelle il est dit de tressaillir d’allégresse à l’aspect des triomphes du Seigneur, pourra-t-elle trembler et se fondre devant les éclairs de sa face ? De même ces paroles d’Isaïe : « Vous mangerez les biens de la terre, » doivent s’entendre des biens réservés à la chair dans le royaume de Dieu, mais transformée, semblable aux anges, et possédant « ce que l’œil n’a jamais vu, ce que l’oreille n’a jamais entendu, et ce qui n’est jamais monté dans le cœur de l’homme. » Autrement, Dieu n’adresserait à l’homme qu’une vaine exhortation, en l’invitant à l’obéissance par la promesse des biens de la terre et des aliments de cette vie, qu’il dispense même aux infidèles et aux blasphémateurs, uniquement à titre d’hommes, « faisant pleuvoir sur les bons comme sur les méchants, et allumant son soleil sur les justes