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absurdité donc à ton dieu de se croire abaissé par la réalité de la chair plus que par ses apparences ! Disons mieux ! Il l’honore en la simulant. O excellence, ô dignité d’une chair dont le Dieu supérieur lui-même jugea nécessaire d’emprunter le fantôme !

XI. Tous ces vains prestiges d’une substance impalpable, pourquoi Marcion les rassemble-t-il autour du Christ ? Pourquoi ? Afin d’enlever à la certitude de sa naissance le témoignage de sa vie. Afin qu’à travers ces ombres mensongères il ne puisse être reconnu pour l’envoyé du Créateur qui nous était annoncé comme destiné à naître et conséquemment à prendre un corps de chair. Nouvelle extravagance de l’habitant du Pont ! Un Dieu sous une chair véritable, quoique n’ayant pas pris naissance, n’est-il pas plus facile à admettre qu’un Dieu homme sous une chair illusoire, surtout quand les anges du Créateur, conversant jadis avec les mortels sous une chair véritable, mais formée hors des voies communes, préludaient à ce mystère ? Philumène le sentit bien ! Elle sut persuader à Apelle et aux autres transfuges de Marcion, que le Christ s’était montré, selon la foi commune, dans la réalité de la chair, mais que ce corps, étranger à toute naissance, avait été emprunté aux éléments. Tu craignais, Marcion, que de la réalité de la chair, on ne conclût la réalité de la naissance ; on supposait donc né celui qu’on croyait un homme ? « Heureux le sein qui vous a porté, s’écria une femme de la foule ; bienheureuses les mamelles qui vous ont allaité ! » Et ailleurs : « Voilà votre mère et vos frères hors de la porte, qui vous cherchent. » Ces témoignages reviendront en leur lien. Assurément quand il se proclamait fils de l’homme, il déclarait bien qu’il était vraiment né. Quoique notre dessein soit de renvoyer ces détails à l’examen de l’Evangile, j’ajouterai cependant que, si, comme je viens de l’établir, de son apparence humaine on devait invinciblement arguer sa naissance, c’est vainement qu’il a cru réaliser son incarnation par la supercherie d’une chair,