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sérieuse, il ne leur restait plus que la lutte littéraire. Mais, dans le domaine littéraire, la vieille phraséologie de la restauration était devenue impossible. Pour se créer des sympathies, il fallait que l’aristocratie fit semblant de perdre de vue ses propres intérêts et qu’elle dressât son acte d’accusation contre la bourgeoisie dans le seul intérêt de la classe ouvrière exploitée. Elle se ménagea de la sorte la satisfaction de pouvoir accabler ses nouveaux maîtres de railleries et d’injures, et de fredonner à ses oreilles des prophéties grosses de malheur.

C’est ainsi que naquit le socialisme féodal, mélange de jérémiades et de pasquinades, d’échos du passé et de vagissements de l’avenir. Si parfois sa critique mordante et spirituelle frappa au cœur la bourgeoisie, son impuissance absolue à comprendre la marche de l’histoire moderne finit toujours par le rendre ridicule.

En guise de drapeau, ces messieurs arboraient la besace du mendiant, afin d’attirer à eux le peuple ; mais dès que le peuple accourut, il aperçut leurs derrières ornés de l’antique blason féodal et se dispersa avec d’irrévérencieux éclats de rire.

Une partie des légitimistes français et la jeune Angleterre ont réjoui le monde de ce spectacle.

Quand les champions de la féodalité démontrent que leur mode d’exploitation diffère de celui de la bourgeoisie, ils oublient seulement d’ajouter qu’ils exploitaient dans des conditions et des circonstances tout à fait différentes et aujourd’hui surannées. Quand ils prouvent que sous leur domination le prolétariat moderne n’existait pas, ils oublient seulement de dire que la bourgeoisie moderne est précisément un rejeton fatal de l’ordre social féodal.