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L’agonie dura plus de quatre années encore, et combien cruelle ! « Qu’on se figure ― a dit Léon Bloy[1] ― un être merveilleusement doué, un homme du génie le plus incontestable et le plus puissant, un magique cerveau peuplé de lumières, comme une basilique à la Chandeleur ; qu’on veuille bien se le représenter sous cette image, aux trois quarts détruit par l’ouragan de quelque effroyable douleur, détruit sans espoir de restauration, décoiffé de ses voûtes, ébranlé dans ses plus profondes assises, vacillant sur les jarrets de ses contreforts… ; ouvert à tous les affronts des souffles et de la rafale, envahi par les tourbillons et les fantômes de la nuit ; mais éclairé vaguement encore, pour la durée d’un instant, par quelques derniers et désespérés luminaires qui agonisent, ainsi que des âmes, sous le grondement victorieux des orgues de la tempête. Tout à l’heure ce sera fini à jamais. Les ténèbres folâtreront avec les ténèbres. Ce qui tient encore croulera sans gloire dans l’obscurité sans pardon… » Que de fois me suis-je récité à moi-même cette page éclatante, en voyant mon pauvre Maître s’approcher lentement de la tombe !

Il mourut le 13 février 1907. Mais le véritable Marcel Bertrand, le géologue incomparable, le confident de la Terre, était mort depuis longtemps déjà, depuis ce radieux après-midi du 16 avril 1900, où, dans la petite sablière, il était tombé sur les genoux, terrassé, auprès du cadavre de sa fille.

Si l’on excepte la Paléontologie et la Pétrographie, où il ne voulut jamais entrer, Marcel Bertrand a, dans le

  1. Belluaires et Porchers, p. 3.