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Mais le malheur le plus affreux, le deuil le plus déchirant qui se puisse imaginer, allait lui ouvrir la porte toute grande.

C’est le 16 avril 1900, lundi de Pâques, dans l’après-midi d’un beau jour de printemps, au bois de Verrières, près du village de ce nom, dans les environs de Paris. Marcel Bertrand a eu, il n’y a pas encore tout à fait deux semaines, la douleur de perdre son père ; et ce fils excellent, infiniment respectueux et tendre, a été touché par cette mort à une place très profonde. Il est triste et préoccupé. Non loin de lui, et surveillé par lui, mais, hélas ! trop distraitement, un groupe d’enfants, où sont ses filles, joue dans une sablière ouverte récemment par le Génie pour la construction d’une batterie. Soudain des cris se font entendre. Il se précipite. Jeanne, sa fille aînée, une belle enfant de treize ans, vient d’être renversée et ensevelie par un éboulement du sable, au pied de l’une des parois de la petite carrière. On s’empresse pour la dégager ; mais les outils manquent et le sauvetage est d’une lenteur désespérante. Quand enfin les secours arrivent, il est trop tard, et l’on ne retire qu’un cadavre.

Maintenant, dans le soir qui tombe, il faut aller prévenir la mère. Elle est non loin de là, qui les attend et déjà s’inquiète un peu, les trouvant bien longs à revenir… Traverser de pareilles tortures, et pouvoir leur survivre, quel mystère à faire vaciller l’intelligence ! Le retour à Paris, dans un char à bancs, par une nuit glaciale, le père et la mère assis l’un à côté de l’autre et portant sur leurs genoux le pauvre petit corps roidi… ! et la chambre de l’enfant, la chambre virginale où s’achève cette journée de vacances, désormais

Lieu sinistre où, veillant l’inexprimable veille,
La femme a pleuré mort le meilleur de sa chair

Certes la mort d’un enfant est toujours une terrible