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comme si c’eût été un succès personnel.

On conspirait alors sur toute la ligne ; je vivais dans la conspiration comme un poisson dans l’eau. Entre autres locaux secrets, il y en avait un que j’affectionnais fort : il était situé, au quartier du Vieux-Port, dans une sombre ruelle qui descendait du boulevard de la Corderie au quai de Rive-Neuve ; la salle servait aussi quelquefois à des réunions de francs-maçons, les murs portaient les vestiges de leurs emblèmes. On s’excitait là contre le gouvernement, on se montait la tête les uns les autres, chacun avait hâte de recevoir le signal d’une prise d’armes.

Un soir, un jeune homme de dix-neuf ans, au visage grêlé, à la chevelure en broussaille, nous récita des vers contre le « despote », qui provoquèrent chez nous un grand enthousiasme ; c’était un nouveau venu parmi nous. Il arrivait du Vaucluse ; d’une nature très ardente, il avait, d’abord, voulu se faire prêtre et avait passé ses années de jeunesse au séminaire ; puis, ne se sentant pas sans doute la vocation du sacerdoce, il avait quitté la soutane et il venait, à l’instar de son compatriote Raspail, se lancer dans la tourmente révolutionnaire. Cette conduite, cette quasi--