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nous nourrissant que de pain. Le pain même vint à nous manquer : nous donnâmes aux enfants le peu qui restait, et nous demeurâmes, ma femme et moi, trois jours pleins sans manger.

La misère fut telle que, désespéré, je voulus aller me jeter dans le Rhône ; ma femme m’empêcha d’exécuter ce funeste dessein.

Notre pitoyable état fut deviné par un ami, qui, lui, n’appartenait à aucun parti. Il nous porta secours avec une rare délicatesse. Je puis dire son nom ; c’est Jules Klein, le compositeur de musique. Il n’était pas proscrit ; il habitait Genève pour son agrément.

Et c’est ainsi que, le ventre creux, mais toujours correct, j’allai parfois rendre visite à nos chefs révolutionnaires, Courbet, Razoua, Cluseret, Rochefort.

J’aimais surtout Rochefort. L’impression que sa Lanterne avait autrefois produite sur moi était ineffaçable. Certes, je lui étais, j’en suis convaincu, parfaitement indifférent ; mais peu m’importait, j’étais toujours influencé par son ancien prestige.

D’autre part, si ma détresse passait inaperçue aux yeux des républicains et si elle n’avait été comprise à Genève que par un