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Un autre jour, j’obtins le vote d’une motion réclamant l’installation permanente d’une guillotine sur la place de la Bourse. Il fallait, disais-je, terrifier le cléricalisme. Et je me souviens qu’on m’écoutait, qu’on m’applaudissait, moi, petit bonhomme de seize ans !… Quand je songe à ce triste passé, j’ai honte pour moi et pour le peuple.

J’avais alors une phrase favorite, qui obtenait un grand succès dans les clubs.

— Fondons à jamais la République, disais-je, et si la réaction ose lever la tête, nous serons là pour la couper !

Cette sanguinaire figure de rhétorique me valait une ovation splendide.

Franchement, je devais être fou, et tous nos clubistes marseillais aussi.

Un homme était désolé de ces incartades inqualifiables : mon père. La ville entière savait que le jeune orateur de l’Alhambra était son fils. Mes motions de cannibale paraissaient dans quelques journaux avec ma signature : Gabriel Jogand-Pagès.

— Tu déshonores le nom de ta famille, me répétait mon père, navré.

À force d’entendre ces doléances, je pensai que le mieux, pour ne plus m’exposer à de