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ses poches pleines de dragées, était pour nous une vraie maman.

Je demeurai au Sacré-Cœur jusqu’à l’âge de neuf ans.

Les professeurs que j’eus me donnèrent une bonne instruction primaire. C’étaient : M. Ripert, un brave vieux papa qui nous faisait chanter tous en choeur : Maître Corbeau sur un arbre perché ; M. Filliol, que nous considérions comme le roi de la calligraphie ; et M. Roubaud, un vénérable petit rentier, devenu professeur afin de suppléer à l’insuffisance de son modeste revenu, lequel, en classe, pour priser sans être vu des élèves, disparaissait tout à coup dans sa chaire et en surgissait ensuite en criant : « Jogand, déclinez : rosa, la rose ».

Par exemple, le surveillant général était terrible. Il s’appelait l’abbé Plane et possédait, le malheureux, une physionomie des plus ingrates : il était tellement grêlé qu’il n’arrivait jamais à bien se raser à point ; imaginez-vous un fromage de gruyère dans les trous duquel auraient poussé des poils. Nous en avions une peur atroce. Dès que M. Plane paraissait à la porte d’une étude, personne n’osait plus souffler ; chacun retenait sa res-