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étaient l’œuvre du démon, et j’adressais mes supplications à Celle qui écrase la tête du serpent.

— Douce Mère, vous savez combien je vous aime ! délivrez-moi de ces persécutions du Maudit !

Je m’endormis.

Or, cette nuit-là, le cauchemar diabolique ne se produisit point ; mais j’eus, au contraire, un songe merveilleusement beau.

Parmi mes livres emportés au couvent, était celui de Jean Kostka, Lucifer démasqué, ouvrage d’un admirable style, d’une profonde science, aux hautes envolées mystiques, et plein de vérité. Je l’ai dévoré. J’ai lu et relu, entre autres, le chapitre Noctium phantasmata.

Oh ! comme il a raison, l’auteur, de dire que tout n’est pas naturel dans les songes ! Oui, Lucifer se sert du rêve pour envahir la pensée. Jean Kostka rappelle plusieurs de ses songes lucifériens, où le démon allait jusqu’à se présenter à lui en faux Jésus-Christ ; et c’était pour détourner de l’Église !…

Par contre, il est des songes divins, ceux que Dieu envoie et qui apportent la lumière.

En ce rêve de la nuit du mardi 20 au mercredi 21, je me vis d’abord souffrante, étendue dans un fauteuil ; je sortais d’une grave maladie ; mais mon fauteuil, au lieu d’être dans une chambre, était à la campagne, au milieu d’une plaine, qui s’étendait à perte de vue. Je reposais sous un arbre, aux approches de la nuit ; le soleil venait de disparaître à l’horizon.

Et voici que j’aperçus de gros nuages blancs qui chassaient devant eux de gros nuages noirs. J’entendais les roulements du tonnerre. Puis, l’un des nuages blancs s’ouvrit. Un vieillard, à grande barbe blanche, se montra ; une voix, à mon oreille, prononça ce nom : Samuel.

Le vieillard me regarda et me dit :

— À toi, la paix !… Crois !… Le Messie est mort pour sauver les hommes par la foi !… Jésus a institué lui-même son Église… Elle est donc le puits de l’éternelle vérité… Abreuve-toi aux eaux vives de la foi… Ne point croire aujourd’hui, ce serait démériter, mon enfant… À toi, la paix ! à toi, le salut, si tu crois !… Crois, mon enfant, crois !

Le nuage qui portait le vieillard s’éloigna peu à peu, et, dans une autre nuée blanche s’entr’ouvant, je vis trois femmes, au visage doux, qui me souriaient et me montraient le ciel ; leur tête était entourée d’une auréole éblouissante.

La même voix que tout à l’heure murmura leurs noms à mon oreille ; c’étaient sainte Jeanne de Chantal, sainte Euprépie et sainte Adelinde.