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ce sera à une quatrième ; je ne puis y consentir. Laissez-moi partir ainsi ; je vous assure que je ne suis pas en danger de mort immédiat.

« C’est à ce moment que la supérieure, voyant la religieuse mon amie fondre en larmes, s’écria : « Eh bien, je le prends sur moi ; le bon Dieu voit la pureté de mon intention ; le saint baptême ne pourra qu’aider à l’action de la grâce sur cette chère enfant. Je crois bien faire ; baptisons-la. »

« L’excellente supérieure pensait avoir le droit d’agir ainsi. Elle expliqua à sa compagne que le cas pouvait être considéré : baptême donné en cas de nécessité, vu le danger de mort présumé comme prochain. Depuis, j’ai su qu’elle s’était trompée.

« Voyant qu’elle aurait eu trop grand chagrin si je lui avais refusé cette satisfaction, je lui promis que je me mettrais au plus tôt en état de faire régulariser son acte d’ardent zèle : par le fait, il me semblait que ce baptême improvisé équivalait à un ondoiement.

« Le temps pressait, d’ailleurs ; la voiture qui devait me conduire à la gare attendait en bas. Je m’agenouillai dans le petit oratoire ; je confirmai ma renonciation à Satan, à ses pompes, à ses œuvres, et ma ferme volonté de croire à tous les enseignements de l’Église de Jésus-Christ. J’implorai Dieu de lever les trois doutes qui me restaient et que je m’efforçais de chasser de mon esprit ; je suppliai la bienheureuse Marie d’achever en moi l’écrasement du serpent maudit. Maintenant, nous pleurions ensemble. Enfin, je tendis le front, et la bonne supérieure, avec de grands efforts pour surmonter son émotion, prononça ces paroles, en faisant couler de l’eau bénite sur ma tête : « Jeanne-Marie, je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. »

« Le surlendemain, j’avais regagné ma retraite. »

En route, à un arrêt, j’avais écrit la fin de ma préface des Mémoires d’une ex-palladiste, c’est-à-dire la partie datée du 16 juin. Ce qui précède, depuis « Gloire à Dieu » fut écrit au couvent. Le mardi matin 18, une personne sûre portait, à la première heure, le manuscrit de cette préface à mon imprimeur-éditeur.

« Ce même mardi, le soir, je recevais une lettre de la bonne supérieure, prise de scrupules. Je compris le tourment de son âme, et je l’autorisai aussitôt à tout dire à l’aumônier ; elle pourrait même faire savoir mon nom à son digne évêque si elle le jugeait indispensable. En effet, je ne voulais pas que cette pieuse femme fut en proie à l’inquiétude plus longtemps.

« Elle m’a remerciée. D’après sa dernière missive, elle reçut une paternelle admonestation. Dès qu’elle s’en ouvrit à l’aumônier, celui-ci expliqua que, si j’avais été assassinée comme elle le redoutait tant, ma mort en ces circonstances, mort pour la gloire de Jésus-Christ, eut été « le baptême de sang ». Par conséquent, l’ardent zèle de la digne religieuse avait été irréfléchi.

« Mon court exposé de mes derniers doutes sera bientôt envoyé à qui de droit. Chaque jour, je sens mon âme plus heureuse. Dieu ne me refusera pas l’entière foi, qui me vaudra la régularisation de l’acte du 15 juin, comme l’Église jugera bon de faire.