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quoique n’ayant pas de la divinité la même conception que les catholiques romains, Albert Pike adorait le Dieu souverainement bon, que tout homme sensé doit reconnaître comme le principal et sublime ouvrier de la création des mondes, l’organisateur de l’univers, le suprême père, ami et protecteur de l’humanité, qui lui doit l’intelligence et la raison.

« Si vous avez l’intention de réfuter l’attaque de Diana Vaughan contre Albert Pike, vous ne sauriez le faire trop vigoureusement.

« Cette femme avoue qu’elle a été grande-prêtresse des adorateurs du diable ; mais cet aveu devait demeurer personnel, et lorsqu’elle dit qu’elle était sous les ordres d’Albert Pike, elle ment. Depuis longtemps, nous la savons dans un état d’esprit dont un bon médecin pourrait seul la guérir ; elle s’est convertie au catholicisme, il y a un an. Voici l’histoire : elle s’est rendue à Paris, et je crois que c’est en France que sa conversion s’est faite ; elle a causé d’abord une grande consternation parmi les Palladistes d’Europe en publiant, sous forme de Mémoires, un exposé de leurs pratiques diaboliques. En Europe, ces Palladistes ont un chef, qui ont M. Lemmi, ami du célèbre Crispi ; mais Albert Pike n’eut jamais aucune relation avec ce Lemmi, vous pouvez le dire. Quand Diana Vaughan commença sa publication, Lemmi en faisait acheter et détruire tous les exemplaires, et la malheureuse folle s’irritait de ne pouvoir répandre sa doctrine dans le public. C’est dans son exaspération qu’elle s’est convertie au catholicisme, et alors ses écrits ont échappé à la vigilance du vicaire de Satan : les catholiques propagèrent ses aveux, le Pape lui envoya sa bénédiction par le premier de ses cardinaux.

« Il y a dans ces Mémoires une grande partie technique et sans intérêt, excepté pour ceux qui s’intéressent à l’ancien Ordre de la Rose-Croix socinienne, et de plus beaucoup de matière consacrée à la description des cérémonies religieuses, peu propre à être publiée. Tout cela est sans aucun intérêt, en ce sens que ces divulgations représentent un état d’âme qu’il est impossible d’attribuer à une personne saine d’esprit, dans notre dix-neuvième siècle si éclairé ; mais un tel état d’âme s’explique, quand on connaît certaines dispositions maladives de la personne. Diana Vaughan croit à ces manifestations surnaturelles, aujourd’hui qu’elle est catholique, comme elle y croyait quand elle appartenait à la secte des Palladistes ; son esprit troublé admet cette seule différence, que ce qu’elle croyait divin autrefois, elle le considère aujourd’hui comme l’œuvre du diable. Sa famille, toute composée d’honorables protestants du Kentucky, se vit obligée de la faire interner dans une maison de santé, il y a six ou sept ans ; au bout de quelques mois, on la crut guérie ; ses nouvelles aventures prouvent que la cure fin trop incomplète.