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prit, sur le grand autel du fond, un calice que je n’avais point aperçu encore, caché qu’il était derrière la place de la Grande-Maîtresse, et le remit à celle-ci. C’était un calice de messe catholique, tel que j’en avais vu aux vitrines des marchands d’ornements d’église. Je me demandais en moi-même ce que cet objet du culte romain venait faire là ; ceci commença à me paraître bizarre.

— Veuillez vous agenouiller, en fléchissant le genou gauche seulement, et tenez la main droite ouverte au-dessus de l’autel des serments, me dit à voix basse le Maître des Cérémonies.

— Permettez, un moment, fis-je de même ; ayez la bonté d’approcher un flambeau, je ne lis pas très bien la formule de l’obligation.

Sophia avait entendu.

— C’est, pourtant, imprimé en gros caractères, dit-elle au président B***, en se penchant vers lui.

Puis, plus haut, d’un air pincé, elle ajouta ; s’adressant au Maître des Cérémonies :

— Donnez donc un flambeau à la récipiendaire, puisqu’elle a de la peine à lire… Allons, faites vite !

Il était visible qu’elle s’agaçait, debout, avec le calice à la main.

Moi, je ne m’agenouillai pas. On approche donc le flambeau, emprunté à la table du Chevalier d’Éloquence. Je me disais : « Voyons d’abord ce que c’est que ce serment-là ; je vais savoir pourquoi ce calice de prêtre figure dans mon initiation. » Je parcours la formule ; je la lis et relis pour moi ; aucune allusion au calice.

— Voilà bien des façons, murmura Sophia au Grand-Maître.

Je lève mon regard sur elle, lui donnant clairement à comprendre que son observation peu courtoise ne m’a pas échappé. Nos regards se croisent. Elle se radoucit et me dit, à voix basse :

— Toute l’assemblée attend, chère Sœur ; on s’étonne que vous tardiez tant à vous décider.

À voix basse, aussi, je lui réponds :

— Pardon, chère Sœur ; rien n’est plus grave que la prestation d’un serment ; j’ai besoin de tout comprendre ce que je lis là.

— Alors, relisez encore, réplique-t-elle. C’est votre droit ; nous aurons patience.

Prenant bien mon temps, je relis pour la troisième fois la formule. Je la trouvais parfaite, mais c’est ce calice qui m’intriguait !… Enfin, l’idée me vient que, sitôt le serment prononcé, la Grande-Maîtresse me versera quelque liquide parfumé sur la tête ; quand on a la pratiqué de la Maçonnerie, on s’attend un peu à tout dans les cérémonies d’initiation.