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tant ; ce n’est pas un ouvrage de combat, je le déclare en mon âme et conscience, et quiconque le lira sans parti pris jugera de même. » Depuis la publication de ce livre, aujourd’hui devenu introuvable, le docteur Bataille a-t-il reconnu avoir eu « des heures de défaillance » ? a-t-il marqué son repentir ? On m’a répondu, d’autre part : « Oui, dans la publication le Diable au xixe Siècle, le docteur s’accuse d’avoir été un grand pécheur, d’être un chrétien indigne, et enfin d’avoir eu le bonheur de retrouver sa foi, après les tristes heures de défaillance. Cela est en toutes lettres dans l’ouvrage. »

Quant à moi, lorsque j’ai eu à faire part de mon appréciation sur le compte du docteur Bataille, — n’ayant été interrogée par personne sur ses récits d’un témoin et m’étant réservé le moment opportun de réduire ses exagérations et de couper les cornes à quelques-uns de ses diables, mais décidée aussi à mettre en lumière le vrai, c’est-à-dire ce qui, dans ce grand ouvrage, est la confirmation de choses et de faits connus des missionnaires et des personnes compétentes ayant étudié à fond la Franc-Maçonnerie, — quant à moi, j’ai maintes fois qualifié familièrement le docteur Bataille ainsi : « le bon toqué. » Bon, parce qu’il était bon ; maintenant, il n’est plus lui-même. Toqué, parce que ses exagérations ne me l’ont pas fait paraître imposteur, mais incohérent ramasseur de toutes les légendes en cours dans les Triangles, procédant sans examen approfondi, halluciné peut-être en quelques cas, en quelques autres ne se rendant pas compte du prestige diabolique ; ainsi, s’il avait été le jouet de l’esprit du mal dans les circonstances que j’ai racontées au premier chapitre de mes Mémoires, aurait narré qu’il avait été transporté vraiment au paradis terrestre et en Oolis. Oui, un peu toqué, je le répète, et, aujourd’hui même, je crois, à sa décharge, qu’un grain de folie est mêlé à sa trahison, malgré les faits qui rendent celle-ci certaine, indiscutable.

Donc : la Volkszeitung, de Cologne, publia, le 13 octobre, l’article tapageur, qui, pour la grande joie de la secte, devait faire éclater la bombe Bataille, selon la promesse faite avant le Congrès au Grand Orient de France et confirmée, à Cologne même, le 22 septembre, à un délégué de Findel.

Le journal prussien ne manquait pas de citer le Geste, le livre introuvable non réimprimé depuis quatre ans ; il se gardait bien de dire que, depuis cette faute, le docteur Bataille avait été, à Paris, connu de tous excellent chrétien, revenu à la foi après ces heures de trouble déplorées, se prodiguant en bonnes œuvres charitables à sa clinique, vice-président d’une Société des plus catholiques. Cela, il ne fallait pas l’imprimer ! il ne fallait pas dire non plus que ce pauvre Geste était tout le bagage littéraire condamnable du malheureux. Et voilà le docteur Bataille transformé, par les journaux embellisseurs du premier récit, en auteur de nombreux ouvrages anticléricaux, que nul ne cita jamais, et pour cause ! le voilà proclamé libre penseur militant, forcené, ayant trompé les catholiques, impudent faux témoin, dénoncé par conséquent, au mépris du monde entier.

J’en appelle à tout homme sensé : un pareil outragé est-il acceptable ? le vraiment faux-témoin, à qui l’on arracherait aussi son masque, ne se trouverait-il pas bouleversé sur le coup, épouvanté de la situation dans laquelle on met avec lui ceux qu’il a trompés et ceux qu’on lui pour complices ? n’irait-il pas demander conseil aux uns, aux autres, ayant de prendre une décision ?