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lui échappèrent, il disait que, pour trois cent mille francs, il était disposé à rentrer dans la secte et à la servir. C’est sans doute ce prix qu’il mit en avant, lorsque des propositions lui furent faites ; mais on m’a assuré qu’il baissa ses prétentions. L’accord se fit sur la base de cent mille francs.

Il fut donc convenu que le docteur Bataille produirait tout à coup, au moment où personne ne s’y attendrait, une déclaration sensationnelle, de nature à jeter la perturbation la plus profonde parmi les catholiques ; qu’il se déclarerait publiquement faux-témoin ; qu’il se proclamerait mystificateur, s’étant moqué des hommes de foi, ayant inventé à plaisir tous ses récits personnels ; en un mot, que, s’appuyant sur ses exagérations, il manœuvrerait de telle sorte que le public pourrait croire désormais à la non-existence même de la Haute Maçonnerie et du Rite Suprême Palladique.

Mais où et quand faire éclater ce scandale ?

L’insertion de la déclaration du docteur Bataille dans une feuille rédigée par des francs-maçons montrerait trop bien le complot de la secte. Il était nécessaire de se servir d’une gazette catholique.

Il fallait, en outre, discréditer le Congrès de Trente.

Pour s’assurer un immense retentissement, il était indispensable que le coup, ainsi prémédité, ne fût pas soupçonné des congressistes. Quelle meilleure tactique que celle-ci pouvait-on imaginer ? Susciter adroitement, au sein du Congrès, une question qui n’était pas dans le programme, « la question Diana Vaughan » ; pousser à une discussion quasi-publique, dans une séance où la presse serait admise ; et, quand le Congrès se serait terminé, ayant eu une de ses assemblées laissant cette question ouverte aux commentaires passionnés dans les journaux catholiques du monde entier, jeter brusquement dans le débat la lettre promise par le docteur Bataille.

À aucun prix cette lettre ne devait être publiée d’abord, et cela tombe sous le sens. En effet, si les émissaires secrets chargés de la manœuvre avaient apporté au Congrès la lettre de reniement du docteur Bataille, s’ils l’avaient produite dans la section où l’on devait susciter les premiers troubles pour provoquer une grande réunion spéciale avec admission de la presse, il est indubitable que la Présidence générale du Congrès aurait réfléchi à deux fois et fait appeler les anciens amis du docteur, afin de leur demander ce qu’ils pensaient de cet incident inattendu ; ceux-ci auraient déclaré sans hésiter que le docteur était devenu subitement fou ou s’était vendu à l’ennemi, mais qu’en tout cas le fait de cette volte-face, inexplicable et suspecte au plus haut degré, devait être examiné avant tout. La prudence et la sagesse des Évêques présents auraient immédiatement paré à l’explosion du scandale si habilement combiné pour troubler l’action antimaçonnique. Le Congrès ne serait pas sorti de son programme. Les questionneurs émettant des doutes à mon sujet auraient été appelés dans un bureau et mis en face de mes amis ; ceux-ci auraient répondu ; des explications discrètes auraient été échangées, et, si après cela les négateurs s’étaient dits non convaincus encore, la Présidence leur aurait fait prendre l’engagement d’attendre dans le silence la décision d’une Commission d’enquête qui avait été nommée à Rome antérieurement au Congrès.

Non, la secte ne pouvait risquer qu’il en advînt ainsi.

La première résolution, formellement arrêtée dans les conseils de la