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Ceci est l’instruction secrète et permanente de la Haute Vente Suprême de Turin, en 1822 :


« Depuis que nous sommes établis en corps d’action et que l’ordre commence à régner au fond de la Vente la plus reculée comme au sein de celle la plus rapprochée du Centre, il est une pensée qui a toujours profondément préoccupé les hommes qui aspirent à la régénération universelle : c’est la pensée de l’affranchissement de l’Italie, d’où doit sortir, à un jour déterminé, l’affranchissement du monde entier, la République fraternelle des peuples et l’harmonie de l’humanité. Cette pensée n’a pas encore été saisie par nos Frères d’au-delà des Alpes. Ils croient que l’Italie révolutionnaire ne peut que conspirer dans l’ombre, distribuer quelques coups de poignard à des sbires ou à des traîtres, et subir tranquillement le joug des événements qui s’accomplissent au-delà des monts pour l’Italie, mais sans l’Italie. Cette erreur nous a été déjà fatale à plusieurs reprises. Il ne faut pas la combattre avec des phrases, ce serait la propager ; il faut la tuer avec des faits. Ainsi, au milieu des soins qui ont le privilège d’agiter les esprits les plus puissants de nos Ventes, il en est un que nous ne devons jamais oublier.

« La Papauté a exercé de tout temps une action toujours décisive sur les affaires d’Italie. Par le bras, par la voix, par la plume, par le cœur de ses innombrables évêques, prêtres, moines, religieuses et fidèles de toutes les latitudes, la Papauté trouve des dévouements sans cesse prêts au martyre et à l’enthousiasme. Partout où il lui plaît d’en évoquer, elle a des amis qui meurent, d’autres qui se dépouillent pour elle. C’est un levier immense, dont quelques Papes seuls ont apprécié toute la puissance ; encore n’en ont-ils usé que dans une certaine mesure. Aujourd’hui, il ne s’agit pas de reconstituer pour nous ce pouvoir, dont le prestige est momentanément affaibli ; notre but final est celui de Voltaire et de la Révolution française, l’anéantissement à tout jamais du catholicisme et même de l’idée chrétienne, qui, restée debout sur les ruines de Rome, en serait la perpétuation plus tard. Mais, pour atteindre plus sûrement ce but et ne pas nous préparer à la légère des revers qui ajournent indéfiniment ou compromettent dans les siècles le succès d’une bonne cause, il ne faut pas prêter l’oreille à ces vantards de Français, à ces nébuleux Allemands, à ces tristes Anglais, qui s’imaginent tous tuer le catholicisme tantôt avec une chanson impure, tantôt avec une déduction illogique, tantôt avec un grossier sarcasme passé en contrebande comme les cotons de la Grande-Bretagne. Le catholicisme a la vie plus dure que cela. Il a vu de plus terribles adversaires, et il s’est souvent donné le malin plaisir de jeter de l’eau bénite sur la tombe des plus enragés. Laissons donc nos Frères de ces contrées se livrer aux intempérances stériles de leur zèle anticatholique ; permettons-leur même de se moquer de nos madones et de notre dévotion apparente. Avec ce passeport, nous pouvons conspirer tout à notre aise et arriver peu à peu au terme proposé.

« Donc, la Papauté est, depuis seize cents ans, inhérente à l’histoire de l’Italie. L’Italie ne peut ni respirer ni se mouvoir sans la permission du Pasteur suprême. Avec lui, elle a les cent bras de Briarée ; sans lui, elle est condamnée à une impuis-