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Le sacrifice se fait par l’ablation de la tête et des pattes du mouton, lesquelles sont jetées dans le brasier ardent. Le reste est remis, le lendemain, à un boucher franc-maçon, sans nécessité qu’il soit parfait initié.

La messe se clôt par la chaine d’union, formée une dernière fois, et le Mage officiant s’écrie, en terminant :

— Gloire à Lucifer-Satan au plus haut des cieux ! Gloire sur la terre à Sophia, sa fille ! Que la paix règne à jamais par le Très-Saint Anti-Christ !

Tous. — Ainsi soit-il.

Cette Messe de Sophia, dite neuf fois en cette année-ci dans chacune des trente-trois Mères-Loges du Lotus, permet de juger d’une façon exacte l’état d’esprit des palladistes de l’école carduccio-walderiste, dont les principes antisociaux à outrance dominent aujourd’hui dans la Haute-Maçonnerie. Elle donne aussi la mesure des flatteries prodiguées par la secte à la fille d’Ida Jacobsen.

Maintenant que j’ai fait connaître quelle fut l’éducation de cette malheureuse femme et que l’on en sait déjà quelques résultats, rien n’étonnera plus de sa part.

À l’instar de Carducci, de Hobbs et de tant d’autres, elle admet parfaitement la divinité de Satan. On comprend aussi combien moi, qui étais luciférienne, et non sataniste, je me refusais absolument à admettre ce que je considérais comme des innovations dangereuses, directement contraires à l’orthodoxie palladique ; à mes yeux, cela était hérésie.

Sur l’orthodoxie luciférienne j’étais rigide, tandis que Sophia, se conformant d’ailleurs en cela aux habitudes de Philéas Walder, traite tous les sujets de doctrine au gré de sa fantaisie, dans les conférences triangulaires, au point de se mettre en flagrante contradiction avec ce qui est le plus admis comme intangible.

Je citerai un exemple : une interprétation qui me fit bondir, lorsque j’en eus connaissance.

Sophia, amenée un jour à parler de la légende d’Hiram, dont les interprétations sont nombreuses et variées pour tous les besoins de la sélection ou de l’élimination, déclara, le plus simplement du monde, qu’Hiram pouvait fort bien signifier Satan succombant momentanément sous les coups des trois personnes de la Trinité adonaïte : à son dire, le compagnon Jubelas figurait Jéhovah le Père ; le compagnon Jubelos, Christ, le fils par adoption ; et le compagnon Jubelum, le Saint-Esprit des catholiques. On sait que, d’après la légende du grade de Maître, Hiram ressuscite en la personne du récipiendaire, au moment de son initiation ; selon Sophia, Satan renaît donc, c’est-à-dire reprend sa force, sa puissance en et par la Franc-Maçonnerie, figurée par le récipiendaire.