Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/315

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On n’imprimait pas la chose, certes. Ces choses-là se colportent, s’écrivent dans des lettres plus ou moins confidentielles : les fanfarons qui inventent de telles accusations ne leur donnent pas le jour de la publicité ; il leur faut la pénombre d’une mise en circulation suffisamment discrète et indiscrète tout à la fois.

L’homme qui répand autour de lui cette bave venimeuse ? le chevalier qui essaie de salir une femme ?… Oh ! je ne crains pas de le nommer, parce que sa délirante vantardise est injustifiable et ne repose sur rien, absolument rien ; parce que je défie quiconque, même dans le camp de Lucifer, d’apporter contre moi le témoignage de la moindre incorrection, du plus léger laisser-aller prêtant à l’équivoque.

Ce chevalier de l’outrage à l’honneur féminin, c’est un ex-haut maçon, c’est M. Domenico Margiotta.

Quand j’ai su quelle honte m’était attribuée, je n’ai point senti la colère m’envahir ; c’était trop même pour une immédiate révolte. Mais mon coeur a eu un déchirement atroce ; j’ai été consternée, anéantie, et j’ai pleuré. Oh ! mon Dieu, la voilà donc, cette cruelle épreuve, mille fois méritée par ma folle haine d’autrefois ! Que votre sainte volonté soit faite ; car mes blasphèmes de palladiste firent couler les larmes de vos virginales épouses. Me voilà donc assimilée aux plus infâmes créatures ; il est terrible, le châtiment ; mais, ô mon Dieu, que votre nom soit béni !…

Puis, le coup reçu, il m’a semblé que mon devoir était de panser la blessure… Et encore : était-ce bien possible qu’une telle calomnie eût osé se produire ?… Oh ! que d’hésitations avant de demander à des amis confirmation du navrant écho ! quelle dificulté morale pour la demande ! Vingt fois, j’ai laissé la plume… Mais ne pas être fixée d’une façon certaine, c’était prolonger et augmenter ma torture. On ne raisonne plus, quand un doute de cette espèce vous tenaille ; on perd la tête. J’écrivis, suppliante, réclamant la vérité, toute la vérité… Hélas ! l’écho n’avait été que trop fidèle… Les propos me déshonorant se tenaient, se répétaient, et l’auteur de l’affreuse calomnie se pavanait dans l’impunité, multipliant les anecdotes où, Juvénal vengeur, il me faisait jouer le rôle d’une ménade ; et comment ne pas croire, puisqu’il affirmait avec d’audace « savoir par lui-même, et mieux que personne, à quoi s’en tenir !… »

Et les témoins auriculaires de tels propos étaient personnages dont la parole fait autorité : un des plus estimés représentants de la vieille noblesse de France, et le révérend supérieur d’une maison d’un des plus importants religieux, sans compter d’autres, très honorables aussi, mais qui avaient eu le racontar de seconde main.