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LA GRANDE MANŒUVRE




Dans l’annexe du 4e fascicule des Mémoires, j’ai cité cinq manœuvres contre la manifestation de la vérité. Trois d’entre elles me visaient directement. Les deux premières, d’origine différente, tendaient à me faire passer pour folle où hallucinée tout au moins : j’excuse M. Le Chartier, catholique, qui ne me connaît point et me combattait par un faux raisonnement que j’ai réfuté ; je n’ai pas excusé le F∴ Eugène Mayer, qui savait à quoi s’en tenir sur l’entière mauvaise foi du rédacteur dont il publiait l’article injurieux, au moment même de ma conversion. Quant à la farce de Moïse Lid-Nazareth, elle ne prêtait qu’au rire.

Une des deux autres manœuvres a été criminelle : elle a coûté la vie au comte Luigi Ferrari ; elle prouve quel sort m’est réservé, si je me laissais découvrir par les limiers de la secte.

Le crime de Rimini a été ordonné par le palais Borghèse ; cela ne fait pour moi aucun doute, et l’assassin, instrument peut-être inconscient, a servi la vengeance maçonnique. Je l’établis dans mon volume sur Crispi ; les lecteurs, j’en suis sûre, partageront ma conviction.

Faut-il voir au palais Borghèse, aussi, l’inspiration de l’abominable trame qui m’a été récemment dénoncée, et qui est, certainement, la plus odieuse manœuvre directe contre moi ? — Je ne le crois point, quoique d’autres l’aient pensé. Je ne manque pas d’expérience ; j’ai été en mesure d’étudier les caractères ; chrétienne, je veux être indulgente à qui m’afflige. Non, la manœuvre que je démasquerai aujourd’hui, n’a pas Lemmi pour inspirateur. C’est le démon du dépit qui l’a suggérée au malheureux homme qui s’en est rendu coupable.

Il s’agit d’une accusation épouvantable ; la gravité du cas est extrême. C’est avec un indicible serrement de coeur que je me suis décidée à parler, attaquée, par une sourde calomnie, chuchotée des uns aux autres, dans ce que j’ai de plus cher au monde, après ma foi.

Poignante fut ma douleur, quand me parvint le premier écho ou racontar indigne. Ce n’était pas le lâche on-dit, toujours insaisissable, parce que vague et anonyme ; ce n’était plus l’insolente goujaterie du Fréchette, de Montréal, à qui j’ai dédaigné de répondre : c’était l’affirmation nette d’un fait précis, hardiment émise par un homme connu.