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l’ordre du beau chat noir, poussèrent le crocodile, lâchèrent la corde, et la féroce et stupide bête d’Adonaï roula au fond de l’abîme, ou mugissaient les laves bouillonnantes.

« Et toutes les familles du petit pays remercièrent le beau chat noir et, se prosternant, adorèrent le Dieu-Bon, à qui les papas et les mamans devaient d’avoir été délivrés du monstre.

« Cependant, le mauvais génie qui se nomme Mikaël et qui est le plus puissant parmi les anges du mal, dans le royaume humide d’Adonaï, s’en vint auprès du Dieu-Mauvais et lui dit :

« — Le chat noir a triomphé du crocodile. »

« Le Dieu-Mauvais sortit du royaume de l’eau, se plaça au-dessus du cratère, et vit au fond du volcan son crocodile bien-aimé, qui était au pouvoir des bons daimons, enchaîné pour toujours dans le royaume du divin feu.

« Adonaï appela ses génies. Le Dieu-Bon appela les siens. Il y eut une grande bataille entre les esprits de ténèbres et les anges de lumière. Adonaï fut, encore une fois, vaincu.

« Et le Dieu-Mauvais, humilié par cette défaite, honteux de n’avoir pu arracher son crocodile bien-aimé aux justes chaînes du Dieu-Bon, entra dans une fureur telle qu’il battit Mikaël, Gabriel et Raphaël, en leur reprochant de n’avoir pas su remporter la victoire, et il s’arracha tout un côté de sa grosse barbe, en signe de deuil.

« Cet apologue, mes amis, me permet de vous dire comment cessera la puissance d’Adonaï lui-même. Qu’il y ait deux Dieux, cela ne fait pas de doute pour les esprits dégagés de la superstition, et non pas un Dieu unique, comme le prétendent les ignorants. Mais les cerveaux obstinés dans l’erreur ne veulent pas comprendre que la perte d’une seule des facultés divines entraînera par cette infériorité, l’irrémédiable désastre du Dieu-Mauvais.

« Le bien et le mal ont été vus à l’œuvre de tout temps. Le Dieu, auteur du bien, ne peut être l’auteur du mal. D’autre part, si ce mal pouvait être fait éternellement par le Dieu-Mauvais, il y aurait inexistence de la justice.

« Enfants, n’approfondissez pas ces lois surnaturelles qui régissent l’univers. Quand vous serez plus avancés en âge, vous comprendrez. Dès à présent, néanmoins, votre cœur droit vous dira que la justice est la loi supérieure, assurant le triomphe final de l’éternel principe du bien sur l’éternel principe du mal. Sachez donc qu’au terme fatal, inéluctable, des douze mille ans de lutte entre le Dieu-Bon et le Dieu-Mauvais, celui-ci perdra une de ses facultés divines et sera ainsi presque désarmé, ainsi qu’il advint au méchant crocodile de l’apologue. »


« Vous remarquerez, très illustre souverain grand-maître, que le F ▽ William Blake n’a pas inscrit le nom Satan dans cette fable, d’une si haute moralité : il ne voulut pas heurter l’opinion de notre regretté Grand Albert, quoiqu’il la jugeât arbitraire. Il se borna à indiquer, par