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« À huit ans, elle détestait déjà cordialement Adonaï. Cette année-là, je lui fis une promesse : si elle apprenait bien ses leçons pendant trois mois, au point de me donner la satisfaction la plus complète, je lui achèterais une belle collection de marionnettes à renversement. La fillette s’appliqua plus que jamais et fut studieuse avec une gentillesse exquise. Elle avait appris toutes les fables, d’un délicieux satanisme, que le F ▽ William Blake composait pour elle, et elle les débitait dans la perfection. Je tins ma promesse. La collection de marionnettes comprenait exclusivement des maléakhs du calendrier catholique romain, affublés dans la manière des statues adonaïtes, chacun ayant son auréole : Jean le Baptiste et l’autre Jean, et Matthieu, et Marc, et Joseph, et Luc, tous les apôtres du Christ, et Jérôme, et Antoine, et Roch, et beaucoup d’autres encore, tous ranges en ligne sur trois rangs de baguettes. Sophia fut au comble de la joie, en recevant ce beau cadeau. On plaçait le jeu au jardin, après le repas ; Sophia envoyait ses balles à la tête des maléakhs ; le plaisir de les renverser la rendait fort adroite. En outre, pour chaque onzaine de maléakhs culbutés, je lui donnais un gâteau.

« Il est à souhaiter que ce jeu se généralise, afin d’habituer l’enfance à combattre les maléakhs. La religion maudite sera bien près d’être vaincue, lorsque dans les fêtes publiques ses saints, tournés en dérision, serviront de cible aux projectiles des jeunes gens. Je recommande cette pensée a votre attention, très illustre souverain grand-maître ; recherchez comment on pourrait préparer les esprits à des jeux de ce genre. Les chrétiens ne brisaient-ils pas les statues les plus vénérées des dieux antiques ? pourquoi n’enseignerions-nous pas aux enfants à jeter par terre des marionnettes représentant les maléakhs d’Adonaï ? Si Gibraltar ne se prête pas à la fabrication de ces jouets, on pourrait, je crois, trouver en Allemagne des industriels qui fourniraient ce qu’il faut.

« Plusieurs fables du F ▽ Blake mériteraient d’être mises en vers italiens par nôtre F ▽ Carducci. Je vous citerai, entre autres, le Chat noir et le Crocodile, bien propre à frapper l’esprit de la jeunesse ; tout palladiste devrait la faire apprendre par cœur à ses garçonnets et à ses fillettes :


« Le Dieu-Mauvais avait placé un méchant crocodile dans un petit pays où l’humanité était prospère. Le Dieu-Mauvais arrachait avec colère les poils de sa grosse barbe, chaque fois que naissait un petit enfant dans le petit pays, et les petits enfants naissent nombreux. Le Dieu-Mauvais n’était pas content.

«  Le Dieu-Mauvais dit au méchant crocodile :

« — Tue et dévore tous les petits enfants qui naîtront ; attire-le vers toi avec ruse ; tue, massacre, dévore. Quand les petits enfants seront tous