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les catholiques romains au Grand Architecte de l’Univers avec toute leur haine rageuse, cela me paraît un pur enfantillage. Nous ne ferons pas des grandes enjambées dans notre marche en avant, tant que nous nous arrêterons à ces bagatelles.

« Pour moi, quand je prie Notre Dieu de daigner paraître pour me donner ses ordres, je ne l’ai jamais vu se courroucer parce que ma prière le nommait Satan. Ne vous a-t-il pas dit souvent que l’hymne du F ▽ Carducci lui était une invocation des plus plaisantes ?

« Je comprends donc la jeune fille future bénissant ce nom de Satan, précisément en raison de l’exécration avec laquelle nos ennemis le profèrent.

« Que l’enfant, dès qu’elle sera en âge de parler, s’habitue à ce nom. Nous aurons des générations fortes, lorsque les premiers mots que répéteront les lèvres enfantines seront : papa, maman, bon Dieu Satan.

« Avec les jouets, il est possible d’obtenir d’excellent résultats, si l’on sait tirer parti des moindres objets d’amusement ; il suffit d’imaginer, à propos de ces jouets, des petites explications très simples, à la portée des jeunes cervelles.

« J’achetais à Sophia, pour ses étrennes ou au jour anniversaire de sa naissance, des riens avec lesquels je lui apprenais à maudire Adonaï. Je recommanderai surtout les arches de Noé ; on enseignera aisément l’histoire du déluge. L’enfant est impressionné à la description de l’universel désastre et commence à prendre en haine le surnaturel auteur du cataclysme, qui s’est servi de sa souveraine puissance pour faire tant de mal. L’histoire du déluge est un des meilleurs thèmes, dans cette préparation à l’éducation luciférienne.

« On fera des surprises à la fillette à chaque cadeau de poupée : qu’elle trouve une jolie poupée à son réveil ; on ne manquera pas de lui dire qu’elle a été apportée là, pendant la nuit, par le bon Dieu Satan.

« Il serait adroit de faire confectionner, à Gibraltar, des jouets palladiques pour les enfants. Quand Sophia était encore toute petite, je lui donnai l’idée d’Adonaï avec un old boggy (un veux croquemitaine), qui était de l’invention du regretté père de notre cher F ▽ Hobbs. Plus tard, nous fabriquâmes un old boggy très gros ; je le plaçais dans une chambre bien éclairée par de vastes fenêtre, et je disais à Sophia : « Tu vois le méchant Dieu ; prend ma canne, et vas lui donner des coups. » L’enfant frappait gaiement le vilain mannequin. Puis, je l’aguerrissais en l’incitant à aller battre de nouveau l’old boggy, mais cette fois les fenêtres étaient closes. Sophia s’enhardissait, craignait de moins en moins l’obscurité, et je la récompensais, tout en lui disant : « Le méchant Dieu est lâche, quand on n’a pas peur de lui ».